Note d’analyse Enseigner : une vocation à reconstruire, un équilibre à restaurer À la rentrée 2024, 3 200 enseignants manquaient à l’appel dans les écoles, les collèges et les lycées du secteur public et privé. La crise d’attractivité que traverse le système éducatif diffère des précédentes tensions sur le recrutement. Alors que les crises du XXe siècle demeuraient ponctuelles, principalement liées aux fluctuations démographiques ou à l’élévation du niveau d’exigence pour entrer dans le métier, de nombreux indicateurs révèlent une distorsion devenue structurelle entre les besoins du service public d’éducation et sa capacité à les satisfaire. Les candidatures sont devenues insuffisantes pour couvrir les postes offerts aux concours. Par ailleurs, les départs volontaires en cours de carrière, longtemps marginaux, sont en forte augmentation tendancielle. La croissance, voire le seul renouvellement des effectifs, est depuis une décennie assurée par une augmentation continue du recours aux contractuels : entre 2015 et 2022, leur nombre a augmenté de 43 % dans le secteur public. On observe également les indices préoccupants d’une contraction à venir du vivier de recrutement, sous l’effet d’une perte d’attractivité des filières universitaires menant à l’enseignement, alors même que le vieillissement de la population enseignante va entraîner des départs massifs à la retraite. Derrière les difficultés croissantes à attirer et fidéliser des professeurs, c’est la question de la continuité, de la qualité et de l’équité du service public d’éducation qui est posée. Publié le : 18/06/2025 Temps de lecture 79 minutes Télécharger l'édito de Clément Beaune, Haut-commissaire à la Stratégie et au Plan PDF - 2 201.2 Ko Autrice Johanna Barasz Adjointe au directeur du département Société et Politiques sociales Ces phénomènes ne doivent pas être interprétés comme un désamour généralisé pour l’enseignement. Comme le montre l’enquête qualitative réalisée dans cette étude, loin d’avoir perdu son sens ou sa noblesse, la mission éducative demeure fortement investie, tant par les aspirants au métier que par les enseignants, dont peu regrettent d’avoir choisi cette voie. Mais le déséquilibre entre l’exigence du métier, la reconnaissance accordée et les conditions concrètes d’exercice alimente un sentiment de déclassement et d’abandon délétère pour son attractivité. Seuls 7 % des enseignants en France – soit quatre fois moins qu'en moyenne dans l'OCDE – estiment leur profession valorisée dans la société. Rémunérations jugées insuffisantes, relations dégradées avec la hiérarchie, tensions avec les élèves et leurs parents : autant de facteurs qui participent au malaise professionnel et à la difficulté de « bien faire son travail » faute de moyens adaptés. Le regard sur cette crise doit donc être à la fois nuancé et lucide. Si les indicateurs dessinent les contours d’une crise structurelle et durable, le tableau n’est pas uniformément noir : des différences subsistent selon les disciplines, les territoires, les secteurs, les profils… qui reflètent des aspirations pouvant devenir des leviers pour reconstruire l’attractivité du métier – un impératif pour tenir une promesse centrale du pacte républicain. Taux de sélectivité du concours de professeurs des écoles Transcription Fermer la transcription Note : taux de sélectivité (ou taux de candidatures) : ratio entre les candidats présents et les postes offerts. Champ : concours externes, secteur public. Source : DEPP, série chronologique (2020- 2023), les concours de recrutement de professeurs des écoles de l'enseignement public et devenirenseignants.gouv.fr pour la session 2024 Les opinions exprimées dans ces documents engagent leurs auteurs et n'ont pas vocation à refléter la position du gouvernement. Partager la page Partager sur Facebook - nouvelle fenêtre Partager sur X - nouvelle fenêtre Partager sur Linked In - nouvelle fenêtre Partager par email - nouvelle fenêtre Copier le lien dans le presse-papier Sommaire Introduction Les signaux forts d'une crise structurelle Une dévalorisation durement ressentie : sens et reconnaissance Un déclassement relatif Conclusion Introduction La présente note s’inscrit dans le prolongement de la parution en décembre 2024 du rapport Travailler dans la fonction publique. Le défi de l’attractivité[1]. Elle en actualise et complète l’analyse consacrée à l’attractivité d’une des principales composantes de la fonction publique d’État : le métier d’enseignant. Ce focus nous a paru indispensable au regard des risques graves pour notre contrat social que ferait courir une désaffection prolongée à l’égard du métier de professeur de l’enseignement scolaire. La forte médiatisation à partir de la rentrée 2022 des « job dating » organisés dans plusieurs académies, l’accent mis régulièrement dans la presse sur les vacances de postes et « les classes sans professeur », les récentes condamnations de l’État pour défaut de remplacement ou encore les interrogations sur le niveau des impétrants recrutés avec des notes très faibles interrogent notre capacité collective à garantir à terme la pleine réalisation des missions de l’école − essentielles à la cohésion du pays comme à sa performance économique. Le décrochage des candidatures aux concours et les signaux de moins en moins marginaux d’une fidélisation déclinante, malgré un recours croissant à un personnel contractuel pour les compenser, obèrent l’équité et la continuité du service public d’éducation, mais aussi sa performance. Les enquêtes internationales montrent en effet que les systèmes éducatifs dans lesquels les élèves réussissent le mieux sont aussi ceux qui paraissent le plus attractifs pour les enseignants et où ils se sentent les plus valorisés[2]. Ces difficultés ne sont pas propres à notre pays. En 2021, trente-cinq pays européens rendaient compte d’un manque d’enseignants, généralisé ou plus sectoriel[3]. Les causes de cette pénurie croissante aux dimensions mondiales sont multiples. D’abord démographiques dans des pays au corps enseignant vieillissant comme l’Allemagne, ou davantage liées à la perte d’attrait de la profession auprès des jeunes générations, elles se traduisent par une insuffisance de candidats à l’embauche et/ou, dans certains États, par de très nombreuses démissions en début de carrière et un fort turnover[4]. En France, malgré une démographie scolaire déclinante, le vieillissement des professeurs (6 % des enseignants ont plus de 60 ans, ils seront 16 % en 2035[5]) va conduire à d’importants besoins en recrutement dans la décennie à venir. Or, l’ensemble des déterminants de l’attractivité, c’est-à-dire des facteurs matériels et symboliques qui attirent initialement vers le métier, soutiennent l’intérêt dans la durée et facilitent les mobilités nécessaires vers ces carrières, paraît fragilisé. Après un tour d’horizon des indicateurs qui permettent d’affirmer le caractère devenu structurel de la crise d’attractivité et la mise en lumière de ses conséquences sur le fonctionnement du service public d’éducation, nous reviendrons sur ses principaux facteurs explicatifs — image, reconnaissance, rémunérations, conditions de travail — en nous appuyant notamment sur l’exploitation approfondie d’une enquête qualitative réalisée auprès de viviers (étudiants et personnes en reconversion), d’agents en poste (fonctionnaires et contractuels) et de démissionnaires de l’Éducation nationale[6]. Cette dernière révèle, en même temps que les facteurs de risque pour la profession, des leviers pour agir et restaurer l’attractivité d’un métier qui conserve de nombreux atouts, et que 92 % des enseignants ne regrettent pas d’avoir choisi[7]. Les signaux forts d'une crise structurelle L'érosion des candidatures Les crises de recrutement qui ont accompagné la croissance de la démographie scolaire d’une part, l’élévation continue du niveau de recrutement d’autre part sont, tout au long du XXe siècle et jusqu’au début des années 2000, demeurées « sporadiques et rapidement résorbées[8] » et ne caractérisaient ni un effondrement des vocations, ni une pénurie structurelle. L’évolution de différents indicateurs d’attractivité depuis une quinzaine d’années et leur détérioration récente témoignent d’un phénomène d’une autre ampleur et d’une autre nature. L’érosion du nombre de candidats présents aux concours, entamée au milieu des années 2000 et dont la chute s’est récemment accélérée, ne relève en effet plus essentiellement de tensions ponctuelles liées aux fluctuations des recrutements ou à celles du marché de l’emploi. Alors que le volume des candidatures a longtemps suivi — avec un peu de retard — le nombre de postes offerts au recrutement, il en est aujourd’hui déconnecté : l’anticipation, par les viviers potentiels, d’importantes opportunités d’emploi ne se traduit plus par une attractivité accrue des concours ni des formations qui y mènent. Cette chute des candidatures a dans un premier temps été relativement indolore. Accompagnant une très forte baisse des postes offerts aux concours des premier et second degrés à partir de 2005, elle a d’abord eu assez peu d’effet sur les taux de sélectivité[9] (Graphique 1). Son accélération dès la fin des années 2000, qui s’est traduite, notamment dans le second degré, par une diminution nettement plus rapide que celle des postes à pourvoir, a contribué à une première dégradation. La création de plus de 50 000 postes entre 2012 et 2017 a certes entraîné un rebond des candidatures, mais qui s’est avéré insuffisant pour inverser la tendance. La baisse tendancielle du nombre de postes offerts après 2017 s’est ensuite accompagnée d’une diminution du nombre de candidatures dans des proportions encore supérieures, ces dernières ne permettant plus aujourd’hui de couvrir les besoins, ni en volume ni, dans certaines académies et certaines disciplines, en qualité. Graphique 1 − Évolution des taux de sélectivité des concours externes de l’Éducation nationale (2000-2024) Transcription Fermer la transcription Champ : concours externes, secteur public. Source : DEPP, série chronologique (2020- 2023), les concours de recrutement de professeurs des écoles de l'enseignement public et devenirenseignants.gouv.fr pour la session 2024 Ce désalignement se traduit en effet par une dégradation des taux de sélectivité, qui devrait, selon la Direction générale des ressources humaines du ministère de l’Éducation nationale, atteindre quatre candidats par poste offert afin de garantir la qualité de recrutement[10]. Ce taux n’a plus été approché depuis 2011. Dans le premier degré, deux académies seulement (Rennes et Bordeaux) dépassaient ce seuil en 2024. La situation des académies de Créteil et de Versailles, dans lesquelles se présentent moins de candidats que de postes à pourvoir, est certes particulièrement extrême : 0,7 à Créteil et 0,8 à Versailles en 2024. La moitié des académies métropolitaines connaît cependant un taux inférieur à 2,8, et seules quatre d’entre elles n’ont pas connu de baisse de ce taux depuis 2019 (Graphique 2). Graphique 2 − Évolution des taux de sélectivité du concours externe de professeur des écoles (CRPE) Transcription Fermer la transcription Note : les académies retenues ici sont celles qui affichent en 2024 les quatre plus faibles taux de sélectivité et les trois plus hauts de France métropolitaine. Deux se situent autour de la médiane (Dijon et la Normandie). Sources : « Les données statistiques des concours de recrutement de professeurs des écoles », sessions 2019, 2020, 2021, 2023, Dans le second degré, si les Capes d’histoire et de SVT continuent d’attirer suffisamment pour assurer la présence aux épreuves de trois candidats pour un poste, la moyenne à ce concours est en 2024 de 2,2, et de seulement 1,5 en mathématiques et en lettres modernes. Même certaines disciplines de l’agrégation connaissent depuis quelques années — et c’est nouveau — une désaffection relative : le taux de sélectivité y demeure élevé, très satisfaisant dans des matières comme l’histoire (6), mais en baisse en mathématiques (3,6) et de 1,9 seulement en lettres classiques[11]. Le nombre de candidats satisfaisant aux exigences du jury étant insuffisant, des postes offerts demeurent non pourvus, malgré des seuils d’admission qui peuvent paraître très bas. Dans le premier degré, la « barre » était inférieure à 10/20 dans quatorze académies en 2024 (contre sept en 2023)[12]. Bien que les épreuves soient identiques sur tout le territoire, ces seuils sont extrêmement variables : 4,1/20 à Créteil, mais 14,6/20 à Rennes. Les moyennes cachent donc des disparités territoriales, disciplinaires mais aussi sectorielles importantes. Le rapport entre le nombre de contrats offerts et le nombre de candidats au concours de recrutement de professeurs des écoles (CRPE) comme au Capes du secteur privé demeure en effet, pour sa part, relativement stable. Le nombre de candidatures aux concours de l’enseignement privé étant environ dix fois inférieur à celui du public, la comparaison des deux situations doit cependant rester prudente. La relative sélectivité des concours les plus valorisés comme l’agrégation, de ceux du secteur privé, ou des académies les plus recherchées comme celles de l’Ouest, incite également à se garder d’un diagnostic trop catastrophiste et globalisant. Ces écarts sont aussi révélateurs — en miroir — des déterminants clés de l’attractivité et de leur poids respectif (voir infra). La perte d’attractivité des concours n’en est pas moins une « tendance lourde[13] », qui ne paraît pas, selon des indices concordants, susceptible de s’inverser à court terme, malgré une légère hausse des inscriptions en 2025. À moyen terme, si l’on en juge par la dynamique des viviers universitaires, la perspective pour les années à venir est également préoccupante : la part et le nombre de ceux qui choisissent des formations conduisant prioritairement vers les métiers de l’enseignement décroissent sensiblement, au niveau licence et surtout au niveau master. Les étudiants se détournent notamment des sciences de l’éducation, qui connaissent une chute marquée des inscriptions en licence comme en master MEEF (Métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation) : la baisse pour ce dernier est de -23 % entre 2016 et 2023[14]. Les Instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation (INSPÉ) sont cependant loin d’être la source unique des concours. Les non-étudiants représentaient ainsi, en 2023, 45 % des lauréats des concours externes de l’enseignement public du premier degré et 39 % de ceux du second degré (29 % pour le Capes)[15]. La diversification du profil des candidats et des lauréats pourrait ainsi constituer une source d’accroissement du vivier dans les années à venir. Cependant, si la part des salariés du privé, des fonctionnaires hors Éducation nationale et des sans-emploi est significative dans l’accès au premier degré (30 % des admis), elle est nettement plus faible dans le second, en particulier parmi les lauréats des concours de l’enseignement général[16]. Cette part est en outre relativement stable sur la moyenne durée. Une fidélisation abîmée La crise d’attractivité ne s’observe pas qu’en amont de l’entrée dans la carrière. Très faible jusqu’alors, le taux de départs volontaires a en effet augmenté régulièrement depuis 2013-2014 (à l’exception de l’année 2019-2020, celle du Covid), en particulier depuis 2020, première année pleine du dispositif autorisant les ruptures conventionnelles (+ 400 départs volontaires entre 2020-2021 et 2021- 2022). Un peu plus élevée chez les professeurs des écoles que chez les professeurs de lycée et de collège, l’augmentation des départs volontaires a dans un premier temps été essentiellement portée par celle des démissions de stagiaires[17]. Les trois dernières années sont en revanche marquées par une croissance très perceptible des départs parmi les enseignants en poste depuis plus de cinq ans, qui constituent désormais 60 % du total[18]. Leur nombre est d’ailleurs resté stable en 2022-2023 alors que celui de départs des stagiaires (-386) et, dans une moindre mesure, de « jeunes » enseignants était en recul. Le nombre de ces démissions et des ruptures conventionnelles peut encore apparaître marginal au regard des effectifs totaux d’enseignants (0,4 % en 2021-2022). Il occupe toutefois une part croissante et désormais significative des « sorties » annuelles : plus de 15 % en 2022, contre 2 % en 2012-2013 (pour un nombre de départs à la retraite quasiment équivalent). Les démissions font donc peser sur les besoins de recrutement, en plus du remplacement des agents en fin de carrière, un poids tout sauf négligeable (Graphique 3). Graphique 3 − Évolution de la part de départs définitifs volontaires parmi les sorties annuelles, enseignants fonctionnaires du public Transcription Fermer la transcription Champ : enseignants fonctionnaires du public. Sources : RERS 2023, RERS 2024 et Panorama statistique des personnels de l’enseignement scolaire, calculs Haut-commissariat à la Stratégie et au Plan Outre ces sorties définitives, on observe également une légère progression des sorties temporaires. La part des enseignants des premier et second degrés en situation de détachement ou de disponibilité augmente en effet depuis au moins 2020 et atteint aujourd’hui 4,8 % des effectifs[19]. La plupart (3 %) sont en situation de disponibilité et ont donc interrompu − plus ou moins provisoirement − leur carrière dans la fonction publique. Ceux qui quittent les salles de classe pour d’autres fonctions dans le secteur public − par la voie du détachement ou d’autres dispositifs − paraissent également de plus en plus nombreux. L’étude des mobilités au sein de la fonction publique, approchées à travers la situation d’un panel de personnes[20] présentes sur deux périodes (années 2000 et années 2010), révèle en effet que les taux de sortie des enseignants vers un autre poste de la fonction publique d’État a augmenté entre les deux cohortes, passant de 1,6 % à 2,3 %. Inversement, la part des autres fonctionnaires d’État qui rejoignent l’enseignement a diminué, de 1,9 % à 0,6 %. La chute du nombre de candidats et des taux de sélectivité aux concours internes est un phénomène qui peut sans doute être également interprété comme le signe d’une autre forme de diculté de fidélisation. Cette chute concerne essentiellement les concours du second degré public (Graphique 4). Quasi continue depuis le milieu des années 2000, elle affecte des candidats qui sont très majoritairement des enseignants − notamment des contractuels[21]. Cette attrition peut avoir des causes multiples (concours jugés trop difficiles, souhait de demeurer contractuel – voir infra), mais elle témoigne en tout état de cause d’une moindre projection de candidats potentiels dans la carrière longue et continue « classique » des enseignants fonctionnaires. Graphique 4 − Nombre de candidats et taux de sélectivité du Capes interne Transcription Fermer la transcription Sources : DEPP, série chronologique, les concours de recrutement des personnels enseignants du second degré public Des témoignages de chefs d’établissement, notamment relayés par les organisations syndicales, évoquent aussi le développement d’un phénomène, qui reste à objectiver, de « démissions silencieuses », qui se traduirait par le rejet des projets collectifs, des difficultés à pourvoir des fonctions transversales ou de professeur principal, des refus – et donc une sous-consommation – des missions proposées dans le cadre du « Pacte », etc.[22]. L’ensemble de ces signaux et indices dessine les contours d’une crise d’attractivité multiforme. Ils ne pointent pas nécessairement vers le diagnostic d’un désintérêt généralisé pour le métier d’enseignant. Ces carrières moins linéaires, plus courtes, interrompues volontairement ou commencées plus tard, après une reconversion professionnelle[23], ou le choix, par certains, de la contractualisation témoignent peut-être aussi de l’émergence d’un nouveau rapport, moins vocationnel ou identitaire, au métier, qui ne touche pas seulement le métier d’enseignant. Quoi qu’il en soit, leurs effets se cumulent pour contribuer à la dégradation du service rendu aux élèves et à leurs familles. Des conséquences sur le service public d'éducation Des postes non pourvus et des classes sans professeur À la rentrée 2024, alors que 3 200 postes demeuraient non pourvus, les médias ont ainsi fortement relayé l’incapacité à garantir la présence d’un enseignant « dans chaque classe ». Les taux de couverture[24] sont en effet aujourd’hui inférieurs à 100 % pour tous les concours des secteurs public et privé et conduisent à des vacances de postes en nombre et en durée croissants. On comptait moins de 2 000 postes vacants à la rentrée 2006 (quasiment tous dans le secondaire) quand la durée moyenne de vacance s’élevait à 17,5 jours[25]. Ils étaient près de 5 000 en 2023, dont un tiers dans le primaire. Quant à la durée moyenne de vacance dans le secondaire, elle a augmenté de plus de dix jours pendant cette période, pour s’établir à 28,6 jours[26]. Cette impossibilité de pourvoir l’ensemble des postes par concours, conjuguée à la croissance des départs non anticipés, entraîne de fortes tensions sur les capacités de remplacement. La perte d’heures de cours, la hausse du turnover et le recours croissant à des contractuels moins formés impliquent le risque d’une dégradation du service rendu aux élèves dans certains territoires[27]. La Cour des comptes évalue ainsi le pourcentage d’heures perdues du fait des non-remplacements de 2 % à 5 % du total des heures d’enseignement et le coût total des heures perdues à un peu plus de 2 milliards d’euros. Les absences de courte durée (moins de quinze jours) « représentent à elles seules près de 2,5 millions d’heures, dont seules un peu plus de 500 000 sont remplacées ». Dans le second degré, les remplacements de longue durée sont effectués à plus de 90 %. Cependant, pour les remplacements de moins de quinze jours une solution est trouvée dans seulement 20 % des cas[28]. Saisie par des parents d’élèves, la justice a d’ailleurs condamné à plusieurs reprises l’État à verser des indemnités pour ne pas avoir été en mesure de remplacer des professeurs absents, les tribunaux administratifs pointant notamment « une carence dans l’organisation du service public » et une « perte de continuité pédagogique[29] ». Dans ces affaires, les requérants soulignaient notamment la rupture d’égalité constituée par le non-respect de l’obligation d’assurer l’enseignement de toutes « les matières obligatoires du programme selon les horaires réglementairement prescrits » − tous les élèves n’ayant pas les moyens financiers de compenser le retard pris par le recours à du soutien privé. Un recours accru aux contractuels Comme le souligne le ministère, « dans le premier degré comme dans le second degré, la couverture des postes vacants, dans un contexte de moindre attractivité des concours et de tensions sur les moyens d’enseignement, nécessite une forte anticipation des besoins en matière de recrutement, notamment des personnels contractuels[30] ». De fait, le nombre de ces derniers et leur part dans les effectifs enseignants n’ont cessé de croître ces dernières années. Certes, dans l’Éducation nationale comme ailleurs dans la fonction publique, le recours aux non-titulaires a toujours accompagné les périodes de croissance des effectifs et de tension sur les recrutements. Les pics de recrutement avaient cependant toujours été suivis de périodes de « creux » correspondant à des lois et des dispositifs d’intégration des enseignants non titulaires. La croissance de la part des contractuels est en revanche continue depuis le palier observé dans les années 2000 − elle était alors de 2,5 % dans le secondaire, et quasi nulle dans le primaire. Elle connaît ces dernières années une très forte accélération. Dans le second degré, le nombre des contractuels a été multiplié par deux depuis 2008 et il continue d’augmenter, alors même que celui des enseignants titulaires diminue nettement. Ainsi, entre 2015 et 2022, le nombre des non-titulaires (dans le primaire et le secondaire) a augmenté de 43 % tandis que celui des titulaires diminuait de 0,7 % (Graphique 5). La diminution des postes offerts aux concours dans certaines disciplines « en tension », comme c’est le cas en 2025 pour les mathématiques, les lettres modernes ou les langues[31], implique d’ailleurs un prolongement de cette tendance. À noter que cette croissance est également perceptible dans le secteur privé, où le poids des non-titulaires est traditionnellement plus élevé. Entre 2015 et 2022, le nombre des non-titulaires dans le primaire et le secondaire y a augmenté de 12,5 % tandis que celui des titulaires diminuait de 2,5 %. Graphique 5 − Évolution des effectifs et de la part de non-titulaires dans l'enseignement scolaire public Transcription Fermer la transcription Note : le pic de non-titulaires observé en 2013 inclut les 7 800 contractuels admissibles de la session exceptionnelle de 2014. Champ : France métropolitaine et DROM (hors Mayotte pour le privé), ensemble des agents payés par le ministère de l’Éducation nationale, en activité au 30 novembre. Source : DEPP, séries chronologiques (les principaux indicateurs sur les personnels de l’Éducation nationale, par corps), panel des personnels issu de BSA, novembre 2022, calculs Haut-commissariat à la Stratégie et au Plan Le recrutement de contractuels devient ainsi « normalisé », conçu comme une modalité de gestion d’une situation pérenne et non plus seulement une variable d’ajustement du système. Il s’accompagne donc d’une production de textes réglementaires destinés à encadrer la gestion de ces personnels, calquant le plus possible la gestion des enseignants contractuels sur celle des enseignants titulaires (formation, grille indiciaire, indemnités quand l’enseignant exerce en réseau d’éducation prioritaire, vœux d’affectation, etc.) et visant à formaliser l’appariement de l’offre et de la demande[32]. À la rentrée 2024, la direction des ressources humaines du ministère de l’Éducation nationale recommandait aux académies de fidéliser les personnels contractuels en leur proposant « des conditions plus attractives » notamment en signant « des contrats pluriannuels », voire « des contrats à durée indéterminée dans les disciplines les plus déficitaires et/ou dans les zones d’affectation peu ou pas attractives de manière pérenne », et enfin en offrant « une rémunération à un indice supérieur à l’indice minimum en fonction de l’expérience professionnelle détenue, de la rareté de la discipline ou de la spécificité du besoin à couvrir[33] ». Les effets de l’engagement des académies dans une « professionnalisation » du recrutement des contractuels sur l’attractivité de la profession sont cependant ambigus. La Cour des comptes s’inquiète ainsi de la frustration, voire de la démotivation qu’elle peut induire chez les titulaires face à des conditions de travail − et en particulier de mobilité − jugées inégales. Les magistrats soulignent que cette dynamique contribue à un cercle vicieux de la pénurie de vocations, aggravant la crise de recrutement actuelle[34]. On peut également ajouter qu’elle pèse sur les fonctions ressources humaines et plus particulièrement sur la charge de travail des personnels de direction. Plus précaires, moins expérimentés, parfois moins légitimes aux yeux de leurs collègues et des parents[35] (70 % d’entre eux redoutent que les enseignants de leurs enfants soient des contractuels[36]), ils ne permettent en tout état de cause pas d’assurer en l’état des recrutements le bon fonctionnement du service public. Une pénurie susceptible d’engendrer de la pénurie Pénurie et manque d’attractivité ont également des conséquences sur la satisfaction des vœux de mobilité des enseignants. Le taux de mobilité inter-académique, note la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP), a atteint son niveau le plus bas depuis 2015[37]. En 2025, seuls un quart des professeurs des écoles et 44 % des enseignants du second degré ayant demandé une mutation l’auraient obtenue. 55 % des néo-titulaires obtiennent leur choix d’affectation[38]. Or, l’évolution tendancielle[39] à la baisse des taux de satisfaction des vœux est non seulement un indicateur de la pénurie croissante d’enseignants, qui tend à rigidifier le mouvement, mais aussi un motif d’insatisfaction pour les agents qui pèse à son tour sur l’attractivité. Dans le premier degré, où le mouvement est départemental, les vœux de mobilité sont extrêmement variables d’un département à l’autre. Quand, en 2023, 31 enseignants ont demandé à être mutés en Seine-Saint-Denis, ils étaient plus de 1 000 en Gironde, dans l’Hérault, en Ille-et-Vilaine et même 1 300 dans le Morbihan… et seulement 15 d’entre eux ont eu satisfaction dans ce dernier département. Les territoires les moins attractifs n’ont pas seulement des difficultés à « faire venir » des enseignants : ces derniers cherchent également à les quitter en grand nombre − et n’obtiennent que peu souvent satisfaction. Selon le syndicat national unitaire des instituteurs, professeurs des écoles et PEGC (Snuipp) en 2022, « au total, sur les 17 462 demandes de changement de département, 13 892 n’ont pas obtenu satisfaction. Le taux de mutation, de 20,5 %, est en chute continue depuis plus de dix ans. Pour mémoire, il s’établissait à 24 % en 2017 et à 46 % en 2013[40] ». En Seine-Saint-Denis, ce sont 12,3 % des demandes de sorties qui ont été satisfaites (247 sur 2005), dans le Val-d’Oise, 10,7 %… Mais d’autres départements affichent des taux de satisfaction inférieurs à 20 %, voire à 15 % : Allier, Bouches-du-Rhône, Gironde, Indre, Landes, Lot-et-Garonne, Oise[41], etc. Dans son rapport de 2024 sur la fonction RH du ministère, la Cour des comptes souligne les effets des nombreuses demandes de mobilité non satisfaites qui, selon ses termes, « génère[nt] de façon croissante des frustrations et même des démissions d’enseignants, en particulier dans les académies de Versailles (165 démissions et ruptures conventionnelles dans le second degré en 2022-2023) et de Créteil (152). […] Ces deux académies sont surnommées “académies-prisons” en raison de la politique de rétention des talents qui y est menée pour compenser la faiblesse des candidatures. Ces contraintes géographiques, qui ne s’appliquent pas de la même façon aux agents contractuels et aux agents de l’enseignement privé, constituent un signal négatif pour ceux, étudiants ou en reconversion, qui envisageraient de passer les concours du secondaire public[42] ». Les difficultés de mutation constituent ainsi un révélateur autant qu’une cause d’iniquité territoriale. Elles accroissent les contraintes qui pèsent sur la primoaffectation et les mutations en cours de carrière des enseignants − sous des formes différentes dans le premier et le second degré. Ces contraintes sont d’autant plus lourdes que la mobilité n’est généralement pas accompagnée par des évolutions significatives de carrière, contrairement à ce qu’elle peut être pour d’autres fonctionnaires. La rigidification du mouvement accroît ces contraintes bien connues non seulement des agents mais aussi des viviers potentiels, qui redoutent un système qui conduit à affecter des jeunes lauréats dans les territoires perçus comme les moins attractifs et à leur rendre inaccessibles ou presque les territoires, établissements et écoles les plus convoités. Ceux qui s’engagent ou envisagent de s’engager dans la carrière sont très conscients de la probabilité d’être nommés dans les académies déficitaires, ou sur les postes et dans les classes réputés plus diciles (éducation prioritaire, classes multiniveaux, zones rurales, etc.). Ils appréhendent donc la prise de fonction et ses conséquences à la fois professionnelles et personnelles (éloignement, difficultés de logement, coûts induits, etc.), d’autant plus qu’elle leur apparaît comme la conséquence d’une gestion des personnels et d’une hiérarchisation des priorités selon des modalités qui leur échappent. Paradoxalement, la rigidité des règles, en raison des incohérences auxquelles leur stricte application paraît parfois conduire, entretient un sentiment d’arbitraire dans la gestion des ressources humaines. De telles incompréhensions peuvent être source non seulement de désillusion mais aussi de renoncement en amont des concours, de démissions parmi les stagiaires qui les anticipent et parmi les jeunes enseignants et les « reconvertis » venus du secteur privé auxquels ce fonctionnement semble à la fois ubuesque et peu humain. Elles peuvent également encourager des stratégies d’évitement : la plus grande stabilité du nombre de candidats et des taux de sélectivité des concours du secteur privé peut d’ailleurs sans doute, comme le choix par certains de la contractualisation, s’interpréter en partie à cette aune plutôt qu’à celle d’un refus d’engagement à long terme. Parce qu’elle influe sur l’image de la profession, la dégradation du service rendu qui l’accompagne constitue un facteur de risque important pour l’attractivité elle-même et contribue à fragiliser l’équilibre entre les avantages et les désavantages perçus du métier. Une dévalorisation durement ressentie : sens et reconnaissance Structurelle, la crise d’attractivité est-elle une crise de vocation ? Dans une société dont le rapport aux savoirs, à la transmission et à l’autorité se transforment, devenir enseignant aurait-il cessé de faire rêver, ou même simplement de faire envie ? Complétant de nombreuses sources mobilisées ici, l’enquête qualitative menée auprès de viviers étudiants et professionnels en reconversion, d’enseignants en poste et de démissionnaires[43] le montre : le métier est (très) loin d’avoir perdu tout attrait, mais la dimension vocationnelle, voire « sacrificielle[44] », qui le caractérise paraît aujourd’hui le réserver à une minorité, tandis que la perception de la dégradation de son statut nuit à son attractivité. Une utilité sociale recherchée et respectée Contrairement à la fonction publique dans son ensemble, le métier d’enseignant jouit d’une forte familiarité[45]. Acquise à travers l’expérience d’élève et/ou de parent, les réseaux familiaux et sociaux mais aussi par la forte présence de l’école dans l’actualité comme dans la culture populaire, cette proximité s’accompagne d’une opinion bien plus favorable que les enseignants eux-mêmes ne le déplorent ou le redoutent fréquemment. Le terme de « dévalorisation » rend bien compte du lien étroit noué entre la perception de l’utilité du métier, son « mérite[46] » et son insuffisante reconnaissance, qu’il ne faut pas confondre avec un recul de sa valeur intrinsèque ni avec les valeurs qu’il incarne. La profession souffre ainsi moins d’un déficit d’image que du sentiment très largement répandu d’une dévalorisation de son statut et d’une dégradation de ses conditions d’exercice. L’enseignement demeure en effet perçu par le public et vécu par les professionnels eux-mêmes comme porteur de sens et de valeurs. Attachés, sans doute plus consciemment que chez d’autres agents, aux valeurs et principes assumés du service public et de la République, les enseignants comme ceux qui aspirent à le devenir revendiquent la volonté et le sentiment de faire un métier « qui a du sens ». Les motivations de service public[47] (recherche de sens et d’utilité, contribution à l’intérêt général et à la cohésion sociale), colorées d’un « éthos » propre au métier (transmission, émancipation, égalité des chances…) sont ainsi centrales dans le choix de la profession comme dans son exercice. Le sentiment d’utilité sociale est d’ailleurs particulièrement élevé chez les enseignants : en 2019, dans l’enquête Conditions de travail[48], 83 % d’entre eux répondaient positivement à la question « Avez-vous l’impression que votre travail est utile aux autres ? ». À titre de comparaison, c’est le cas de seulement 68 % des salariés du secteur privé et de 78 % de l’ensemble des salariés du public. Cet engagement est d’ailleurs très largement reconnu et respecté au-delà des rangs des enseignants eux-mêmes. L’image de la profession n’est certes pas exempte d’un certain nombre de stéréotypes, pour la plupart communs avec ceux qui s’attachent aux représentations répandues sur la fonction publique et les fonctionnaires dans leur ensemble. Le topos de l’enseignant « privilégié », « toujours en vacances » ou « en grève » affleure bien dans notre étude comme dans d’autres enquêtes d’opinion[49], et s’accompagne de l’image d’une profession − et d’une institution, donc d’un cadre de travail − archaïque et peu ouverte aux innovations. Pour autant, les viviers interrogés dans notre enquête ont conscience du caractère caricatural de ces représentations qu’ils décrivent eux-mêmes comme des « clichés ». Dans les représentations qui émergent de notre enquête qualitative, les enseignants appartiennent en effet à un groupe de métiers publics (avec les soignants notamment) qui bénéficient du respect qui s’exprime pour les métiers « de vocation ». Considérés comme « indispensables », « utiles », voire « essentiels » (deux tiers des salariés du secteur privé les classent d’ailleurs parmi les métiers « les plus essentiels à la société[50] »), ces métiers apparaissent aussi comme spécifiques, diciles et exigeants − et dès lors réservés à des profils particuliers. Revient très souvent, dans les discours des enquêtés sur les motivations de l’entrée dans la carrière, une dimension quasi sacerdotale. Il faudrait, pour devenir enseignant, être « fait pour ça », « avoir la foi », voire « se sentir appelé ». Cette forte identité assise sur le sens des missions et l’engagement qu’elles impliquent est ainsi à double tranchant car elle conduit un grand nombre de viviers à exclure par principe le métier de leur horizon professionnel. Elle peut même faire figure de repoussoir en suscitant une forme de compassion − voire de « pitié » − pour la condition enseignante. Très peu nombreux sont ceux qui considèrent que le métier « fait rêver les jeunes[51] » − à juste titre d’ailleurs : selon le rapport Talis, 3,8 % des élèves de 15 ans en France souhaitent devenir enseignants[52], ce qui place le pays dans le dernier tiers des pays de l’OCDE sur cet indicateur. Un manque de reconnaissance… reconnu Cette mise à distance n’est pour autant pas la marque d’une image globalement négative. Près de 70 % des autres enquêtés disaient en 2018 avoir « une bonne opinion » des enseignants, une large majorité les estimant « compétents » (73 %), « sympathiques », « soucieux de leurs élèves » (62 %) et « dévoués » (58 %)[53]. Pourtant seuls 7 % des professeurs français estiment que leur profession est appréciée dans la société (contre 27 % en moyenne dans les pays de l’OCDE)[54] et il est significatif que, dans le sondage de 2018 mentionné ci-dessus, deux tiers des enseignants imaginaient que « les Français » avaient une « mauvaise opinion » d’eux. À l'item posé dans l’enquête Conditions de travail : « Vu tous mes efforts, je reçois le respect et l’estime que mérite mon travail », seuls 48 % d’entre eux répondent positivement (34 % seulement des professeurs des écoles). Ces chiffres mettent les enseignants largement en dessous de tous les métiers comparables de cadres et professions intellectuelles[55] et sont en très nette baisse (11 points de pourcentage depuis 2013). La baisse est encore plus frappante pour les directeurs d’établissement et les inspecteurs, en chute de 20 points[56]. Cette croyance − exagérée − d'un désamour généralisé n’est pas l’apanage des enseignants : les non-enseignants partagent majoritairement le point de vue que le métier d’enseignant « n’est pas assez valorisé[57] ». Largement déploré, ce manque de considération est attribué explicitement, dans notre enquête qualitative, « à la société », aux « médias » et aux discours relevant du « prof bashing ». L’enfer, c’est les autres Les parents Chez les enseignants, les questions de la place reconnue dans la société et de l’exercice réel du métier sont indissociablement liées, la première influant directement sur le second. La « désacralisation » du métier et ses effets sur l’autorité des professionnels se traduisent très directement dans la détérioration ressentie des rapports avec les élèves et plus encore leurs parents. Sur ce point, les dicultés que les enseignants mentionnent sont en effet alarmantes. 58 % d’entre eux signalent des tensions avec le public[58], avec un point d’alerte particulier pour les professeurs des écoles (64 %) et les directeurs d’établissement (88 %, soit 10 points de plus que… les métiers de la sécurité publique). Les données recueillies par le ministère de l’Éducation nationale[59], si elles témoignent d’une satisfaction relativement élevée sur les dimensions de sécurité au travail et de relations avec les élèves, mettent en lumière des résultats plus mitigés en ce qui concerne les relations avec les parents. Bien que les résultats de ces enquêtes restent relativement stables depuis quelques années, d’autres sources pointent vers le constat d’une forte détérioration. La médiatrice de l’Éducation nationale et de l’enseignement supérieur s’inquiète ainsi dans son rapport d’activité d’une « dégradation de la relation entre l’école et les familles » et de « l’agressivité montante » dont les personnels font l’objet, « phénomène que l’usage des réseaux sociaux contribue fortement à amplifier » et qui est selon elle l’une des causes du manque d’attractivité de la profession. Elle pointe chez les enseignants « le sentiment d’une remise en cause de leur légitimité, de leur compétence et de leur autorité dans l’exercice quotidien de leurs missions (qui) s’accentue depuis plusieurs années ». Dans notre enquête qualitative, la crainte de la violence physique apparaît explicitement comme un motif pour refuser de considérer cette carrière, voire pour envisager d’y renoncer pour ceux qui sont d’ores et déjà engagés dans une formation MEEF. Les attentats et agressions mortelles qui ont coûté la vie à Samuel Paty, Dominique Bernard ou Agnès Lassalle ont bien entendu marqué les esprits. Mais l’inquiétude dans laquelle les viviers se projettent est surtout alimentée par une multitude d’exemples, médiatisés ou rapportés par des proches, de cas de harcèlement, de menaces virtuelles ou réelles et de violences perçues comme plus quotidiennes : manque de respect, insultes, voire coups… La « hiérarchie » et l’institution Notre enquête montre bien l’articulation entre ces difficultés rencontrées dans le rapport au public et la dimension managériale de la reconnaissance. Les enseignants interrogés expriment en effet une forte demande de protection de l’institution, souvent jugée défaillante face à des situations tendues ou conflictuelles avec les élèves ou leurs familles. Les indicateurs quantitatifs disponibles sont à cet égard particulièrement médiocres. Dans le Baromètre du bien-être au travail, le sentiment d’avoir le soutien de leur hiérarchie en cas de problème (sous-entendu, avec le public) est évalué à 5,7/10, ce qui est faible en comparaison des scores obtenus sur d’autres dimensions (relation avec les collègues, avec les élèves, etc.). Dans l’enquête Conditions de travail, seuls 46 % des enseignants disent « être aidés par leur hiérarchie » − loin de la moyenne des salariés (65 %) et plus encore des salariés qualifiés. Dans un univers professionnel au modèle d’encadrement très spécifique, ce manque de soutien reproché « à la hiérarchie » n’est pas nécessairement adressé aux interlocuteurs directs des enseignants (chefs d’établissement, inspections), mais s’inscrit plus généralement dans une relation dégradée envers l’institution dans son ensemble. Dans notre enquête s’exprime parfois une véritable défiance envers l’État employeur, l’épisode du Covid ayant à cet égard, comme chez les soignants, laissé des souvenirs douloureux, voire, selon leurs termes, « de l’amertume » − alors qu’attentes et pressions étaient énormes pour assurer la continuité éducative. Là encore, si le sentiment « d’abandon » est d’abord évoqué par les enquêtés enseignants, il est également reconnu par les autres acteurs et participe donc de la dégradation de l’attractivité. L’absence de considération ressentie pour les efforts déployés est accrue par le sentiment de ne pas être associés, en tant que professionnels, aux processus décisionnels. Quand on interroge les salariés ayant déclaré un changement important dans leur environnement de travail pour savoir s’ils ont été consultés, les enseignants se démarquent en effet par leur faible taux de réponses positives. Ceux du secondaire, par exemple, sont seulement 28 % à se dire associés. Ce taux beaucoup plus bas que celui observé parmi les cadres du public et du privé reflète le sentiment d’être placés en situation de devoir mettre en œuvre, sans considération pour leurs avis et, le cas échéant, leurs alertes, des réformes au rythme rapide dont le sens est parfois incompris (ou contesté) – 4/5e des enseignants interrogés dans le cadre d’un sondage récent citent d’ailleurs « la succession de réformes » comme un motif qui leur donne envie de quitter l’Éducation nationale[60]. La légère croissance des conflits éthiques dans cette population[61] peut être considérée comme le symptôme d’une faille dans une autre dimension, essentielle, de la reconnaissance institutionnelle : le sentiment de ne pas se voir doter des moyens matériels et humains d’accomplir leurs missions au service des élèves. Tout particulièrement, celle relevant de l’inclusion scolaire et de l’égalité des chances alimente une perte de sens qui s’exprime dans de nombreuses enquêtes et qui parcourt la fonction publique au-delà des seuls rangs enseignants[62]. Or, dans un contexte où, on l’a vu, les motivations de service public continuent de nourrir la fierté des agents et demeurent essentielles pour ceux qui envisagent de rejoindre le métier, ce sentiment n’en est que plus délétère pour l’attractivité. Un déclassement relatif Un métier peu prestigieux socialement La perte du prestige du métier s’apprécie à la lumière de la manière dont les enseignants sont positionnés dans la hiérarchie des professions et des catégories socioprofessionnelles. De ce point de vue, les enseignements de notre étude qualitative sont convergents avec ceux d’études récentes[63] et d’enquêtes internationales. Dans le Global Teacher Status Index[64], par exemple, la France appartient à un groupe de pays qui placent les enseignants assez bas dans l’échelle sociale (avec un score de 34/100, soit le score médian observé dans les pays occidentaux, la Grèce, le Canada ou le Royaume-Uni attribuant un score autour de 50/100). Dans cette étude, les enseignants français sont considérés comme relevant de la même catégorie socioprofessionnelle que les bibliothécaires. Interrogés sur la proximité de la profession avec d’autres, les viviers de notre enquête associent les enseignants à la classe moyenne, voire à la « petite classe moyenne », et positionnent leur métier non parmi les cadres ou catégories intellectuelles supérieures mais comme équivalent des professions intermédiaires, « de l’animation » ou « du social », pour la plupart moins diplômés (personnel de crèche, animateurs, guides, etc.). Ce positionnement est incontestablement à mettre en regard de la faible attractivité salariale de la profession. Les rémunérations et leur perception : un frein à l’embauche Répandue dans la fonction publique, l’insatisfaction salariale est en effet particulièrement élevée chez les enseignants. À la question de l’enquête Conditions de travail « Considérez-vous être mal payé compte tenu du travail que vous réalisez ? », 42 % des enseignants répondaient positivement en 2019, un chiffre frappant quand on le compare à la situation des autres métiers qualifiés, beaucoup moins concernés par ce phénomène (entre 20 % et 25 % pour les métiers de cadres du privé et les cadres de catégorie A dans le public). D’autres sources, parfois moins représentatives mais plus récentes, montrent une insatisfaction encore plus élevée. 76 % des enseignants interrogés dans le sondage BVA Casden 2023[65] s’estiment mal ou très mal payés. De même, les perspectives salariales sont perçues comme peu ou pas satisfaisantes à cinq ans pour 70 % des enseignants[66]. Les comparaisons avec les enseignants des autres pays, avec les salariés de même niveau de qualification (bien que les récentes revalorisations aient augmenté le salaire d’entrée au niveau médian des jeunes diplômés bac + 5 de l’université[67]), avec les cadres et notamment les cadres A de la fonction publique sont toutes défavorables. Elles sont d’autant plus durement ressenties qu’elles font, à chaque enquête ou étude, l’objet d’une forte médiatisation et de très nombreux commentaires, sur les réseaux sociaux notamment. Il en va de même pour l’évolution tant du pouvoir d’achat que de la place des rémunérations des enseignants dans la hiérarchie salariale. Le faible niveau des rémunérations enseignantes en comparaison avec les salaires des actifs de niveau de qualification comparable n’est pas un phénomène spécifique à notre pays − même s’il se place à cet égard parmi les pays les moins rémunérateurs pour la profession. Si les salaires statutaires des débutants et ceux du haut de l’échelle se situent autour de la moyenne de ceux relevés dans l’OCDE, les rémunérations à quinze ans d’ancienneté y sont de plusieurs milliers d’euros inférieures[68]. Rapportés aux revenus des actifs travaillant à temps plein toute l’année et diplômés de l’enseignement supérieur[69], les salaires effectifs des enseignants sont également très faibles en comparaison internationale, en particulier pour les enseignants du premier degré qui, avec une rémunération de 75 % de la moyenne de celle des actifs diplômés du supérieur, se situent au troisième rang le plus faible des pays de l’OCDE[70], alors que leur volume d’heures d’enseignement est très au-dessus de la moyenne des pays européens de l’OCDE (900 heures en élémentaire, contre 740 en moyenne[71]). Ainsi, en 2021, la rémunération nette moyenne des enseignants de l’école élémentaire était de 2 504 euros, celle des enseignants du secondaire de 2 835 euros mensuels[72]. À titre de comparaison, les salaires nets moyens des cadres et professions intermédiaires du secteur privé étaient respectivement de 4 326 et 2 468 euros, ceux des bac + 3 et plus de 3 565 euros, et ceux des cadres et professions intermédiaires de la fonction publique (hors enseignants) étaient respectivement de 3 919 et 2 407 euros. Si elle doit être interprétée avec précaution, car elle est en partie due à la hausse du Smic et au tassement des échelles salariales, la dégradation du rapport entre le salaire des enseignants et le Smic sur la longue période est souvent mise en avant comme symptôme majeur de ce déclassement. De près de 2,2 fois le Smic en 1980, le salaire brut, hors primes, d’entrée des enseignants du secondaire est ainsi passé à 1,1 fois le Smic en 2024 (en réalité 1,4 en intégrant les primes de base)[73]. L’évolution et le niveau des rémunérations ne peuvent être tenus comme cause unique de la baisse d’attractivité de ces quinze dernières années. Des travaux menés dans les années 1980 montraient déjà que les rémunérations des enseignants étaient de longue date « médiocres » et inférieures en moyenne à celles des diplômés du supérieur[74]. Nul doute cependant que la perception très généralisée d’un métier « mal payé », et surtout « de plus en plus mal payé », pèse fortement sur son attractivité, même pour des agents publics qui, bien souvent, ont acté un choix de carrière reléguant la rémunération au second plan de leurs motivations. L’enquête qualitative est à cet égard très instructive. Tous les enquêtés s’accordent pour juger le niveau de salaire insuffisant, en particulier au regard du niveau de qualification exigé, et cela d’autant plus qu’ils le sous-évaluent en même temps qu’ils surévaluent fréquemment ceux qui se pratiquent, ou auxquels ils pourraient prétendre, dans le secteur privé. Interrogés, les non-enseignants (y compris les étudiants en master MEEF) le situent le plus souvent « autour du SMIC » ou de « 1 500, 1 600 euros ». Les enseignants en poste, en revanche, le connaissent (logiquement), l’ont anticipé et, pour certains, notamment les plus jeunes d’entre eux, reconnaissent avoir bénéficié des revalorisations récentes. Ils expriment des attentes en des termes réalistes au sens où leur cadre de référence n’est pas celui « du privé » (ou d’un privé fantasmé) mais celui de la fonction publique, voire de leurs propres grilles de rémunération : ils estimeraient légitime d’être rémunérés « comme des cadres A ». L’agrégation apparaît ainsi, notamment aux étudiants en MEEF, comme un concours offrant la promesse d’une rémunération à la hauteur de leurs attentes. Mais si leur jugement sur leur rémunération peut paraître nuancé, ils déplorent, et interprètent comme un signe de manque de reconnaissance, de devoir recourir à des compléments de service, heures supplémentaires ou Pacte, pour atteindre un niveau jugé acceptable. En tout état de cause, pour les uns comme pour les autres, la perception de l’insuffisance salariale s’interprète dans le cadre d’un équilibre recherché entre la rémunération et les autres déterminants de l’attractivité : nature des missions, charge de travail et plus généralement conditions de travail. Conditions de travail : un équilibre fragilisé Les travaux empiriques sur les difficultés de recrutement montrent que des conditions de travail difficiles, tant dans ses dimensions d’ordre physique que psychosocial, constituent de manière générale un élément clé des déficits d’attractivité[75]. Sur ces deux plans, les enseignants sont exposés à certaines contraintes dont les viviers ont assez largement conscience. Mais ils bénéficient aussi, comme le reste de la fonction publique, d’un certain nombre d’atouts qui peuvent être mis en avant comme autant de leviers d’attractivité − à condition de les préserver et/ou de les renforcer. Si la pénibilité physique n’est pas spontanément associée à la profession (par ceux qui ne l’exercent pas), elle est pourtant loin d’être négligeable − alors même que la faiblesse de l’accès des enseignants à la médecine du travail est régulièrement soulignée[76], 18 % d’entre eux déclarent une exposition à des contraintes physiques[77], alors qu’ils ne sont que 4 % chez les cadres de la fonction publique. La nature des missions des enseignants les expose cependant surtout aux risques psychosociaux. Au-delà des situations de violence ou d’agressivité (voir supra), le métier est associé à une « intensité émotionnelle » bien supérieure à la moyenne. Plus d’un enseignant sur cinq (contre 12 % de l’ensemble des salariés et 13 % des cadres de catégorie A) se déclarent « bouleversés, secoués, émus dans le travail », ce qui renvoie autant à la qualité de la relation au public qu’à des enjeux d’organisation du travail et de nature de l’activité. Cette intensité émotionnelle est à mettre en regard du niveau de « travail sous pression[78] » déclaré par les enseignants (40 % dans le primaire et 41 % dans le secondaire), ce qui les rapproche de la fourchette haute des métiers de cadres du privé. Les directeurs d’établissement sont même 72 % à déclarer travailler sous pression[79]. Or, celle-ci peut être d’autant plus durement ressentie que les relations avec la hiérarchie sont médiocres (voir supra) et que leur autonomie, tout en demeurant très élevée, a tendance à diminuer (6 points de pourcentage dans l’ enquête Conditions de travail entre 2013 et 2019) alors même que cette autonomie, qui peut renvoyer à l’organisation de son temps comme au contenu des enseignements et aux méthodes pédagogiques, est une caractéristique forte et recherchée de leur métier − voire de leur identité[80]. À ces fragilités s’ajoute le sentiment d’une dégradation des moyens pour accomplir ses missions et in fine, comme évoqué plus haut, d’une perte de sens du travail qui présente un risque spécifique pour l’attractivité et la fidélisation. Dans l’enquête qualitative, les enseignants, comme quasiment tous les agents publics, mais aussi les viviers, ont évoqué cette question. Elle renvoie à la diminution des moyens matériels (équipements, manque de fournitures de base pour les enseignants ou personnels administratifs), mais aussi à l’augmentation de la charge de travail, au stress, à la complexification et l’alourdissement des tâches pédagogiques et administratives, à l’enchaînement des réformes à un rythme élevé qui nécessite de modifier en continu ses méthodes de travail et in fine au sentiment de la diminution de sa capacité à répondre aux besoins de ses élèves. L’ensemble de ces facteurs joue pour éclairer un indicateur qui doit alerter : plus d’un enseignant sur deux déclare ne pas être en mesure de conserver son travail jusqu’à la retraite. Ce chiffre place le métier parmi les 25 % de ceux enregistrant la situation déclarée la plus défavorable, bien loin de la grande majorité des autres métiers qualifiés[81]. La question de l’autonomie renvoie également à celle de la gestion et de l’organisation de son temps de travail. Sur ce point les enseignants demeurent favorisés, même s’ils paraissent perdre une partie de leur « avantage comparatif ». Selon une publication de la DEPP, en 2018, la moitié des enseignants à temps complet déclarait travailler au moins 43 heures par semaine en dehors des vacances scolaires[82] et en moyenne 34 jours pendant les vacances scolaires. Importantes, ces durées ne relèvent cependant pas des « durées longues de travail » (supérieures à 44 heures hebdomadaires déclarées en moyenne) dont ils demeurent dans l’ensemble relativement épargnés[83]. Les enseignants jouissent d'horaires compatibles avec un assez bon niveau de conciliation vie professionnelle/vie personnelle déclaré, bien au-dessus de celui constaté dans l’ensemble des métiers de cadres. Cependant, cet avantage comparatif semble se réduire chez les enseignants et plus encore chez les personnels de direction entre 2013 et 2019[84]. La DEPP relève d'ailleurs que la satisfaction vis-à-vis de l’équilibre entre le temps consacré aux proches et le temps consacré au travail est en légère baisse[85] entre les deux éditions de son baromètre. Les résultats de l’enquête qualitative font assez largement écho à ces constats issus de l’analyse de données. La possibilité d’une bonne conciliation des temps, associée à la question des vacances, est aussi jugée nécessaire − voire impérative − au regard des contraintes du métier et de l’épuisement ressenti. Mais elle est ainsi présentée comme un vrai avantage, voire − dans le cas de parcours de reconversion notamment − comme une motivation en soi : chez certains, la décision de devenir enseignant peut s’inscrire dans la volonté de quitter une vie professionnelle au rythme et à la pression trop intenses et cet équilibre peut constituer un vrai facteur d’attractivité, davantage semble-t-il que la promesse d’autres avantages associés au statut. Un concours moins rentable ? Le statut de fonctionnaire − avec son corollaire, l’emploi à vie − a longtemps été synonyme de reconnaissance sociale et de stabilité. Il conserve son attrait historique auprès du grand public et de certains profils de viviers, comme le montrent les arguments avancés au cours de notre enquête qualitative : devenir enseignant (titulaire) permettrait ainsi une stabilisation, en particulier pour des candidats potentiels avancés en âge et/ou envisageant une reconversion, ou plus généralement se percevant comme vulnérables sur le marché du travail, qui y voient la promesse d’une possibilité de projets sur le long terme (des crédits immobiliers, par exemple). Dans le cadre de l’enquête Talis, 70 % des enseignants français citent d’ailleurs le fait que l’enseignement assure « un revenu stable » parmi les motivations importantes ou très importantes de leur choix[86]. Cet atout paraît cependant jouer avec une force aujourd’hui relative comme argument d’attractivité du métier d’enseignant pour la plupart des viviers potentiels. Chez des jeunes diplômés d’un bac + 5, l’argument paraît en tout état de cause peu concurrentiel au regard de leurs perspectives dans le secteur privé, qui leur offre davantage de mobilités et de progression, sans pour autant les soumettre nécessairement au risque de la précarité[87]. Dans ces conditions, préparer et passer un concours de l’enseignement représente un investissement dont la « rentabilité » ne paraît pas toujours assurée à certains profils de candidats au métier. Certes, le concours demeure, pour les enseignants peut-être plus encore que pour les autres fonctionnaires, un pilier de l’identité professionnelle qui valide la qualification au fondement de leur légitimité, garantit le « libre accès des citoyens à l’emploi public » et l’égalité de traitement permise par la transparence de leurs règles (diplômes, nature des épreuves, programme, etc.), et l’impartialité du jury[88]. Leur relative sélectivité, leur contenu axé sur les connaissances académiques, ainsi que l’élévation du niveau de diplôme requis pour le passer au cours des deux dernières décennies, ont cependant tendu à restreindre la taille du vivier et à limiter les opportunités de candidatures, en particulier parmi ceux qui pourraient envisager d’opérer une reconversion professionnelle et/ou engagés dans un parcours de formation qui n’y prépare pas spécifiquement. En outre, les écarts territoriaux et disciplinaires en termes de taux de réussite et de sélectivité sont susceptibles d’affaiblir la perception de la dimension égalitaire et non discriminatoire de l’accès au métier. La réforme en cours (avancée du concours en L3 et statut d’étudiant fonctionnaire puis de fonctionnaire stagiaire pendant les deux années de formation) vise à répondre à cette problématique. Conclusion Les signes de désaffection pour le métier d’enseignant, certes contrastés selon les territoires, les disciplines, les secteurs, les niveaux et filières d’enseignement, révèlent le profond déséquilibre qui s’est installé entre les exigences du métier, sa reconnaissance sociale et institutionnelle et ses conditions d'exercice − une situation préoccupante pour l'avenir du pacte républicain et du service public d’éducation. Même si les besoins de recrutement peuvent être amenés à diminuer sous l’effet de la baisse des effectifs des élèves, les tendances observées, les projections réalisables sur les viviers de recrutement comme sur les départs en fin de carrière, mais surtout les causes de la crise, conduisent à exclure la perspective d’une résolution spontanée des difficultés. Des mesures récentes de revalorisation salariale pour certaines catégories de personnels, la réforme annoncée de la formation, des efforts engagés sur l’accueil et l’accompagnement des carrières, et l’ouverture à venir de concertations sur la mobilité marquent une prise de conscience et la montée en charge du traitement institutionnel et politique de la crise. Ces actions nécessitent cependant d’être inscrites dans une stratégie globale et pérenne, à la hauteur des enjeux systémiques qu’elle recouvre, afin de répondre au sentiment de déclassement qui traverse la profession et mine son attractivité, et de reconstruire durablement son vivier. Sans prétendre faire ici des recommandations précises sur l’ensemble des dimensions relatives à l’exercice du métier et des conditions de travail (qui dépassent les seuls enjeux d’attractivité), trois chantiers structurants − qui n’éludent pas la dimension salariale − paraissent essentiels à poursuivre pour créer les conditions d'un nouveau contrat social pour et avec les enseignants. L’impératif de diversification des profils de recrutement et d’élargissement des viviers implique, au-delà de la place du concours dans le cursus initial et de l’organisation de la formation subséquente, une politique d’orientation, d’accompagnement, y compris financier, des parcours, mais aussi de consolidation des filières universitaires susceptibles d’y conduire, notamment dans les disciplines en tension du secondaire. Dans certaines d’entre elles − en lettres, en mathématiques[89] par exemple − l’évolution des inscriptions à l’université[90] menace en effet la reconstruction d’un vivier suffisant, même pour des concours placés au niveau de la licence. Le développement de parcours débouchant sur l’enseignement ne passe donc pas uniquement par celui de filières et de licences spécifiques mais aussi par une politique d’attractivité des filières disciplinaires concernées, combinant des actions sur l’offre de formation et sur l’orientation post-bac (voire pré-bac) des élèves. Plusieurs pays confrontés à des pénuries sectorielles ou généralisées mènent des politiques incitatives (par exemple, bourses ou bonification de bourses) pour encourager les étudiants à s’inscrire dans les filières déficitaires de l’enseignement, en particulier les STIM (science, technologie, ingénierie et mathématiques[91]). Orienter davantage vers ces filières ouvre d’ailleurs la question du dépassement des stéréotypes genrés[92] qui en détournent une partie des élèves. Parallèlement, l’opportunité offerte par la croissance des non-étudiants parmi les candidats à la carrière (secondes carrières, reconversions, personnes disposant d’une expérience de l’enseignement) incite à penser des modalités de validation, de certification des compétences ainsi que d’articulation entre formation initiale et continue adaptées à la diversité des profils (épreuves spécifiques, (re)mises à niveau disciplinaires/académiques si nécessaire, tutorat, etc.). Valoriser davantage l’expérience professionnelle − acquise dans ou hors de l’enseignement − non seulement du point de vue du déroulement de carrière mais également dans le parcours d’entrée paraît à cet égard indispensable. Rompre le cercle vicieux de la pénurie nécessite également, dans le prolongement du recrutement, de mieux accompagner, matériellement comme professionnellement, les jeunes enseignants dans leurs premières affectations et améliorer leurs perspectives de mobilité géographique dans des horizons de temps raisonnables. Sur la question du logement, par un partenariat systématique entre rectorats, préfectures et collectivités locales (bailleurs publics…), il pourrait être imaginé de réserver des logements aux enseignants et leurs familles dans le parc de logements intermédiaires notamment, et plus généralement de soutenir financièrement l’installation des enseignants dans les zones tendues, ainsi que de développer une politique d’action sociale moins marginale. Par ailleurs, des pistes d’algorithmes développées par des chercheurs, préservant l’affectation sur barème tout en prenant en compte les spécificités des académies les moins attractives, existent aussi pour accroître la satisfaction des demandes de mobilités et contribuer à dégripper le système[93]. Cependant, les difficultés résident d’abord dans les pénuries engendrées par les inégalités territoriales elles-mêmes et leurs impacts sur les conditions de travail des enseignants. L’amélioration de ces conditions est indissociable d’une revalorisation concrète du métier et d’une reconnaissance institutionnelle renouvelée, qui garantisse soutien et légitimité face aux difficultés quotidiennes et associe davantage les enseignants à la définition des politiques éducatives et aux réformes qui les concernent. Ces leviers doivent être actionnés simultanément et résolument pour redonner aux enseignants les moyens effectifs d'exercer pleinement leurs missions et leur permettre de se projeter durablement dans une profession à laquelle ils demeurent très fortement attachés. [1] Prouet E., Barasz J. et Faure A. (2024), Travailler dans la fonction publique. Le défi de l’attractivité, rapport, France Stratégie, décembre. Le « focus éducation » réalisé dans ce cadre a bénéficié des apports et relectures de la DEPP et de la DGRH du ministère de l’Éducation nationale que nous tenons à remercier ici. [2] Farges G. et Martinache I. (2025), Enseignants : le grand déclassement ?, p. 37-48, Puf, janvier. [3] Birch P., Motiejūnaitė-Schulmeister A., De Coster I., Davydovskaia O. et Vasiliou N. (2021), Teachers in Europe. Careers, Development and Well-being, European Education and Culture Executive Agency, Commission européenne, Office des publications. [4] OCDE, enquête Talis 2018 ; l’Unesco estime à 44 millions les besoins en recrutement d’enseignants dans le monde à l’horizon 2030. [5] Cour des comptes (2024), L’allongement de la vie professionnelle des agents dans une fonction publique d’État vieillissante. [6] Caline G. et Pease A. (dir.) (2024), Servir ! L’attractivité de la fonction publique, rapport d’analyse, France Stratégie, Verian, avril ; et Périer P. (2025), « Choix, non-choix et démission du métier d’enseignant. Enquête qualitative sur l’attractivité de l’enseignement », HCSP, Document de travail, n° 2, juin. [7] OCDE, enquête Talis 2018 – chiffre légèrement supérieur à la moyenne européenne. [8] Charles F., Cacouault-Bitaud M., Legendre F., Connan P.-Y., Rigaudière A. et Katz S. (2020),« La perte d’attractivité du professorat des écoles dans les années 2000. Mesure du phénomène et éléments d’interprétation », Éducation & formations, n° 101, novembre, p. 125-160. [9] Taux de sélectivité : rapport entre le nombre de postes à pourvoir par un concours et le nombre de candidats présents aux épreuves de sélection appelé « taux de candidatures » dans les publications de la DEPP. [10] IGAENR-IGEN (2013), Les difficultés de recrutement d’enseignants dans certaines disciplines, rapport au ministre de l’Éducation nationale et à la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, juillet. [11] Capes externe, enseignement public. Ministère de l'Éducation nationale, « Données statistiques des concours du Capes de la session 2024 »; « Données satistiques des concours de l'agrégation de la session 2024 ». [12] Voir les panoramas statistiques des personnels de l’enseignement scolaire de la DEPP, éditions 2022-2023 et 2023-2024, sources académiques pour la session 2024. [13] Dumay X. (2025), « Les politiques de régulation de la profession enseignante, un enjeu international », in Farges G. et Martinache l. (dir.), Enseignants : le grand déclassement ?, op. cit., p. 21-36. [14] SIES (2024), « Les effectifs étudiants dans l’enseignement supérieur en 2023-2024 », Note flash du SIES, n° 19, juillet. Girard H. et Barasz J., L’évolution des viviers universitaires des concours de l’enseignement. [15] Valette C. (2025), « Profil des admis aux concours enseignants 2023 », Note d’information, n° 25-02, DEPP. [16] Ibid. [17] Sur les difficultés spécifiques des débuts dans la carrière qui peuvent expliquer cette prévalence des démissions chez les stagiaires, voir Périer P. (2014), Professeurs débutants. Les épreuves de l’enseignement, Presses universitaires de France ; et Périer P. (2025), op. cit. [18] 50 % en 2022. DEPP (2023), Panorama statistique des personnels de l’enseignement scolaire 2022-2023, octobre. [19] Les données disponibles pour les années précédant 2020 n’intègrent pas toujours les détachements. Les seules disponibilités sont cependant également en croissance constante depuis la rentrée 2016. DEPP (2023), ibid. et Bilan social pour les années 2019 à 2024. [20] Panel Tous salariés EDP, traitement Haut-commissariat à la Stratégie et au Plan. [21] En 2023, plus de deux tiers des admis au Capes interne étaient des contractuels de l’Éducation nationale, comme 58 % des lauréats des concours du premier degré interne. [22] Audition de Union nationale des syndicats autonomes (Unsa), 6 septembre 2024 ; audition de Grégory Frackowiak, SNES-FSU, 28 mai 2024 ; conférence de presse de l’Unsa, 28 août 2024. [23] On observe également une croissance de la part des candidats aux concours de « seconde carrière » qui ne sont ni étudiants ni enseignants. 29 % des candidats externes au CRPE occupaient un autre emploi ou étaient sans emploi en 2023 ; 23 % des candidats internes occupaient un autre emploi dans la fonction publique. Valette C. (2025), « Profil des admis aux concours enseignants 2023 », Note d'information, n° 25.02, DEPP. [24] Ratio entre le nombre d’admis et le nombre de postes offerts à un concours. [25] Le nombre de postes vacants est obtenu par la différence entre le nombre de supports implantés en ETP et le nombre de supports occupés en ETP. Le champ observé concerne les postes d’enseignants « devant élèves ». La durée moyenne de vacance de postes, exprimée en jours, est le temps moyen nécessaire pour affecter un enseignant sur un poste non pourvu à la rentrée. [26] Rapport annuel de performances. Annexe au projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes pour 2023. Programme 214, « Soutien de la politique de l’Éducation nationale », mai 2024. [27] Farges G. et Szerdahelyi L. (2024), En quête d’enseignants. Regards croisés sur l’attractivité d’un métier, « Le sens social », Presses universitaires de Rennes, février. [28] Cour des comptes (2021), La gestion des absences des enseignants. Garantir la continuité pédagogique, rapport public thématique, décembre. [29]Tribunal administratif de Paris, 1re chambre, 17 septembre 2024 ; TA de Cergy-Pontoise, 1re chambre, 3 avril 2024 ; TA d’Orléans, 1re chambre, 18 février 2025 ; TA de Paris, 1re section, 1re chambre, 19 novembre 2024. [30] Rapport annuel de performances. Annexe au projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2023. Budget général, Mission interministérielle, Enseignement scolaire. [31] Pour la session 2025, 669 postes sont proposés en lettres modernes et 60 en lettres classiques, contre respectivement 755 et 134 en 2024 (MEN). [32] Bertron C., Buisson-Fenet H., Dumay X., Pons X. et Velu A.-É. (2021), « Les enseignants contractuels de l’Éducation nationale : vers l’institutionnalisation d’une gestion coutumière de la pénurie ? », Revue française de socio-économie, 2021/2, n° 27, p.121-140. [33] Ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse (2024), « Plan de préparation RH de la rentrée scolaire 2024 », mars. [34] Cour des comptes (2024), La fonction ressources humaines au ministère de l’Éducation nationale, Rapport public thématique, octobre. [35] Lohier C. (2024), « Les enseignants contractuels sont-ils des enseignants comme les autres ? », Connaissance de l’emploi, n° 195, Cnam-CEET, mars ; Pons X. (2025), « Les enseignants contractuels : vers un contre-modèle professionnel ? », in Farges G. et Martinache l. (dir.), Enseignants : le grand déclassement ?, op. cit., p. 49-62. [36] OpinionWay pour Indeed (2023), La crise de vocation des enseignants, octobre. [37] DEPP (2024), Repères et références statistiques, août. [38] DGRH du ministère de l’Éducation nationale, données relatives aux résultats des mouvements 1D et 2D au 14 mars 2025. [39] Les taux de mutation ont très légèrement augmenté entre 2024 et 2025. [40] SNUIPP, communiqué de presse, 11 mars 2022. Les données proviennent des résultats de la phase informatisée des mutations interdépartementales des professeurs des écoles rendues publiques par le ministère de l’Éducation nationale. [41] Ibid. [42] Cour des comptes (2024), « La fonction ressources humaines au ministère de l’Éducation nationale », octobre. [43] Voir supra. [44] Note : dans les pages qui suivent, les expressions entre guillemets non sourcées sont issues des verbatims de l’enquête qualitative. On les retrouvera, avec leur attribution, dans « Périer P. », op. cit. [45] Qu’il ne faut pas confondre avec une connaissance informée des parcours et des carrières (voir infra). [46] OpinionWay pour Indeed (2023), enquête La crise de vocation des enseignants : 86 % des sondés interrogés dans le cadre de l’enquête estiment que les enseignants « ont du mérite ». [47] Voir Conseil d’orientation des politiques de ressources humaines (2017), Les leviers de motivation dans la fonction publique. Dossier documentaire et note de problématique, DGAFP, novembre. [48] Dares (2019), enquête Conditions de travail. [49] Dans un récent sondage Odoxa (avril 2024) pour Le Figaro, 51 % des personnes interrogées disent qu’« on n’en demande pas assez » aux fonctionnaires – dans ce même sondage, ils sont 80 % à avoir une bonne image générale des fonctionnaires et 57 % à ne pas souhaiter qu’on en diminue le nombre. [50] Au deuxième rang des métiers derrière les médecins. OpinionWay (2023), « Les salariés français et les métiers du service public », sondage pour Indeed, juin. 1 594 salariés représentatifs des salariés du secteur public (631 interviews) et du secteur privé (963 interviews), moyennes pondérées. [51] 6 % des personnes interrogées. OpinionWay (2023), « Les salariés français et les métiers du service public », op. cit. [52] OCDE (2018), « Who wants to become a teacher and why? », Teaching in Focus, 2018/22, juin. [53] Voir sondage Odoxa (2018), « Les Français ont une très bonne image des enseignants et soutiennent massivement la mobilisation du 12 novembre » ; Ipsos (2020), « À quoi ressemblera la rentrée scolaire de septembre ? » (slide 17 : 86 % des parents d’élèves ont une bonne image des enseignants) ; voir aussi OpinionWay pour Indeed (2023), enquête La crise de vocation des enseignants, op. cit. [54] Guibert P., Périer P., Le Coz A., Maleyrot É. et Urbanski S. (2020), « Dimensions et construction de la reconnaissance chez les enseignants du second degré », Éducation & formations, n° 101, « Les enseignants : panorama, carrières et représentations du métier », p. 299-321. [55] 70 % des salariés du privé et 62 % des agents publics en moyenne répondent positivement, 71 % des fonctionnaires de catégorie A, de 77 % à 85 % des cadres du secteur privé. [56] Correspond aux réponses « Pas du tout d’accord et pas d’accord » à l'item « Vu tous mes efforts, je reçois le respect et l’estime que mérite mon travail ». Voir Castéran-Sacreste B. et Chédorge-Farnier D. (2023), « Les conditions de travail dans la fonction publique avant la crise sanitaire », Point Stat, janvier. [57] OpinionWay (2023), « Les salariés français et les métiers du service public », op. cit. [58] Enquête Conditions de travail, op. cit. À titre de comparaison, parmi les salariés en contact avec le public, 51 % de ceux du public et seulement 40 % de ceux du secteur privé répondent positivement à la question « Vivez-vous des situations de tension… Souvent ou suffisamment pour perturber votre travail… dans vos rapports avec le public (usagers, patients, élèves, voyageurs, clients, fournisseurs, etc.) ? ». [59] Baromètre du bien-être au travail de l’Éducation nationale ; enquêtes de climat scolaire et de victimation menées par la DEPP auprès des personnels du premier degré (2022) et du second degré (2019). [60] De très loin le premier motif cité. OpinionWay pour Indeed (2023), « La crise de vocation des enseignants ». [61] Les professeurs du secondaire déclarent à 12 % « devoir faire quelque chose qu’ils réprouvent » dans l’enquête Conditions de travail, op. cit. Question posée avant les réformes du « choc des savoirs ». [62] Prouet E., Barasz J. et Faure A. (2024), Travailler dans la fonction publique. Le défi de l’attractivité, rapport, France Stratégie, décembre. [63] Périer P. (2016), Attractivité du métier d’enseignant : état des lieux et perspectives, rapport pour le Cnesco, novembre. [64] Index établi à partir des réponses aux questions posées dans trente-cinq pays à un échantillon représentatif (« Comment classeriez-vous les enseignants par rapport à d’autres professions ? » ; « quel groupe professionnel peut être considéré comme proche des enseignants ? », etc.). Voir Farges G. (2025), « L’affaiblissement du statut social des enseignants », in Farges G. et Martinache l. (dir.), Enseignants : le grand déclassement ?, op. cit., p. 37-48. [65] BVA-Casden (2023), Baromètre des fonctionnaires : moral, épanouissement et perception de leur métier, rapport de résultats, mai. 66. Sondage Ipsos-DGAFP 2022, ministère de la Transformation et de la Fonction publiques. [66] Sondage Ipsos-DGAFP 2022, ministère de la Transformation et de la Fonction publiques. [67] 2 080 euros nets pour les diplômés bac + 5, trois ans après leur sortie de formation (mais 10 % inférieurs pour les diplômés de master scientifique). Voir Céreq, « Insertion professionnelle des jeunes. Les chiffres clés par diplôme ». [68] OCDE, Regards sur l'éducation 2023. Les indicateurs de l’OCDE. Salaires statutaires du corps majoritaire d'enseignants à différentes étapes de leur carrière en CITE 1 (Primaire) CITE 2 (secondaire), en $ US PPA en 2021-2022. [69] Tous diplômes confondus et non-diplômés de niveau équivalent seuls. [70] En moyenne, dans l’OCDE la rémunération des enseignants du primaire est de 86 % de celle des actifs diplômés du supérieur. Les professeurs de collège français gagnent eux 83 % de la rémunération des actifs diplômés, la moyenne de l’OCDE étant de 90 %. [71] DEPP (2024), L’Europe de l’éducation en chiffres. [72] Données du SIASP (2021), salaires nets mensuels, en équivalents temps plein. Champ : enseignants rémunérés par le FPE, tout secteur. [73] Chancel L. (2024), « La chute du salaire des enseignants en France (1980-2024) », document de travail. [74] Chapoulie J.-M. (1987), « Les professeurs de l’enseignement secondaire. Un métier de classe moyenne », Éditions de la Maison des sciences humaines, cité in Farges G. et Martinache l. (dir.), Enseignants : le grand déclassement ?, op. cit. [75] Niang M., Chartier F. et Lainé F. (2022), « Les tensions sur le marché du travail en 2021. Au plus haut niveau depuis 2011 », Dares Résultats, n° 45, Dares, septembre. [76] Selon un rapport d’activité du ministère relayé par AEF, le nombre de médecins du travail à l’Éducation nationale ne cesse de chuter. Ils étaient 84 en 2019, ils n’étaient plus que 65 en 2021. [77] À titre illustratif, on peut mentionner aussi le résultat suivant : en 2019, 86 % des enseignants du premier degré et 70 % des enseignants du second degré déclarent que leur métier leur impose une station debout sur la durée, contre 12 % des autres cadres. Dion É. (2024), « Les enseignants : des cadres au contact du public qui se sentent utiles mais en manque de reconnaissance », Note d’information, n° 24.02, DEPP, janvier. [78] Soit la proportion de salariés qui déclarent travailler « sous pression ». [79] Les directeurs d’école et les personnels de direction des collèges et lycées déclarent d’ailleurs un « sentiment d’épuisement » un peu plus élevé que les autres personnels dans le Baromètre du bien-être au travail des personnels de l’Éducation nationale. Voir Radé É. (2022), « Premiers résultats du Baromètre du bien-être au travail des personnels de l’Éducation nationale exerçant en établissement scolaire », Note d’information, n° 22.31, DEPP, octobre. [80] Farges G. (2017), Les mondes enseignants. Identités et clivages, Paris, Puf. [81] Dares, Enquête Conditions de travail, 2013 et 2019. [82] Ces données datent de 2018 et ne prennent pas en compte les effets du Pacte (25 % des enseignants ont au moins une « brique » de dix-huit heures de missions complémentaires) ni de la hausse importante des heures supplémentaires observée depuis. [83] Contrairement aux directeurs d’établissements qui font partie des métiers les plus exposés aux durées longues de travail (78 %). [84] Dares, enquête Conditions de travail. [85] Baisse constatée entre 2020 et 2022 et à interpréter avec prudence. [86] OCDE, enquête Talis 2018. [87] 83 % des diplômés de master sortis de formation initiale en 2017 sont en CDI trois ans après leur sortie de formation. Voir Céreq, « Insertion professionnelle des jeunes. Les chiffres clés par diplôme ». [88] Audition de Grégory Frackowiak, SNES-FSU, 28 mai 2024 ; Barthes A. (2011), « Le concours comme rite de passage : socialisation et professionnalisation des enseignants », in Éducation et Sociétés, vol. 28(2), p. 47-61 ; Périer P. (2010), Entrer dans le métier : le cas des professeurs débutants, Rennes, Presses universitaires de Rennes. [89] Il y a par exemple environ 5 000 inscrits en L3 de mathématiques, pour environ 1 000 postes au Capes. Pour assurer un taux de sélectivité de 4, il faudrait que 80 % d’entre eux passent le Capes. [90] Girard H. et Barasz J., L’évolution des viviers universitaires des concours de l’enseignement, travaux en cours. [91] Birch P., Motiejūnaitė-Schulmeister A., De Coster I., Davydovskaia O. et Vasiliou N. (2021), Teachers in Europe. Careers, Development and Well-being, op. cit. ; Birch P. (2023), Early childhood education and care, European Education and Culture Executive Agency, Commission européenne, Office des publications. [92] Voir Montaignac M. de, Jolly C., Furic P., et al. (2025), Lutter contre les stéréotypes filles-garçons. Quel bilan de la décennie, quelles priorités d’ici à 2030 ?, Haut-commissariat à la Stratégie et au Plan, mai. [93] Combe J., Tercieux O. et Terrier C. (2016), « Améliorer la mobilité des enseignants », Éducation & formations, DEPP, n° 92, p. 57-75 Téléchargement Enseigner : une vocation à reconstruire, un équilibre à restaurer Télécharger la note d'analyse 154 PDF - 389.9 Ko Télécharger le document de travail PDF - 2 176.7 Ko Thèmes Rémunérations Compétences/métiers Éducation Publié par Haut-commissariat à la Stratégie et au Plan Auteurs Johanna Barasz Citer ou exporter Citer cette publication Fermer Citer cette publication APA Barasz, J. (2025). Enseigner : une vocation à reconstruire, un équilibre à restaurer (La Note d’analyse, n° 154). Haut-commissariat à la Stratégie et au Plan. Copier MLA Barasz, J. Enseigner : une vocation à reconstruire, un équilibre à restaurer. La Note d’analyse, no. 154, Haut-commissariat à la Stratégie et au Plan, June 2025. Copier ISO 690 BARASZ, J. Enseigner : une vocation à reconstruire, un équilibre à restaurer. La Note d’analyse, n° 154. Paris : Haut-commissariat à la Stratégie et au Plan, juin 2025. 16 p. Copier Autres options d'export barasz_2025_enseigner_vocation.ris Pour aller plus loin Travailler dans la fonction publique : le défi de l'attractivité 15 % des postes offerts aux concours de la fonction publique d'Etat non pourvus en 2022, 21 % des lits de l'AP-HP fermés la même a... Compétences/métiers Travail Action publique Rapport 09 décembre 2024 Niveau scolaire : faut-il s’inquiéter ? De nombreuses enquêtes permettent aujourd’hui de suivre de façon rigoureuse l’évolution des compétences des élèves dans le temps e... Compétences/métiers Éducation Action publique Note d’analyse 18 juin 2025 Poids des héritages et parcours scolaires France Stratégie dévoile un panorama inédit du rôle de l’origine sociale, de l’ascendance migratoire et du genre sur les parcours ... Inégalités/pauvreté Éducation Rapport 06 septembre 2023
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