La data, donnée centrale du débat public

Trois questions à Alexis Lenoir et Timothée Gidoin

Comment est née la plateforme Datagora ? 

En 2016, lorsque nous avons imaginé Datagora, le constat de base était le suivant : il y a un manque de visibilité des données factuelles dans le débat public dans un contexte d’essor des fausses informations, notamment alimentées par les réseaux sociaux, et de méfiance croissante envers les médias.

Cette situation nous semblait d’autant plus préoccupante au regard des enjeux électoraux majeurs aux États-Unis et en France. 

Le problème est double. D’un côté, il est compliqué pour un citoyen de trouver un chiffre fiable sur un sujet d’actualité. De l’autre, la myriade de producteurs de données statistiques et d’études publiques, ayant vocation à éclairer le débat public, peine souvent à être visible auprès du grand public. À titre

d’exemple, une étude introspective de la Banque mondiale menée sur la période 2008-2012 confessait qu’un tiers de ses publications n’avaient jamais été téléchargées. 

Ces deux problèmes sont intimement liés. Nous avons donc eu à cœur, avec Datagora, de créer une véritable interface, un pont, entre ces sources fiables et le grand public. 

Comment fonctionne-t-elle ? 

Datagora démocratise l’accès aux publications de producteurs de données statistiques ou d’études publiques, en valorisant leur contenu. L’objectif de Datagora est de faciliter l’accessibilité, la compréhension et la réutilisation de ces publications dans le débat public pour et par tous. 

Concrètement, la plateforme Datagora, gratuite pour tous, compile dans un flux d’informations en continu des « datapoints », format de restitution synthétique et pédagogique des éléments clés de publications en provenance de sources fiables (les « instituts »). Ces datapoints peuvent être partagés sur d’autres sites, en particulier sur les réseaux sociaux. Chaque utilisateur peut également, à travers son compte, personnaliser son flux en fonction des thématiques et instituts qui l’intéressent, et sauvegarder ses datapoints favoris dans sa bibliothèque digitale.

Retour aux sources – plus qu’un simple slogan pour nous, c’est l’identité de Datagora : chaque datapoint présent sur la plateforme est sourcé afin que le lecteur puisse, s’il le souhaite, retourner à la publication originelle et approfondir sa réflexion. Tous les instituts officiels présents sur la plateforme administrent directement leur propre page et l’alimentent en datapoints. 

Aujourd’hui, parmi les instituts pilotes/officiels présents sur Datagora, on retrouve aussi bien des membres du service statistique public (ex : Insee, Dares, Depp), que des organismes publics (ex : France Stratégie, Pôle emploi, CGET, ONDRP, CAE), des institutions (ex : Sénat, Cour des comptes), des centres de recherche (ex : Ined, Cevipof, OFCE, Liepp), des organisations internationales (ex : OCDE), ou encore des think tanks (ex : Institut Montaigne, Fondation Jean-Jaurès), etc.

Quel sont les publics et les objectifs visés ?

Nous cherchons à toucher le grand public, notamment les jeunes en reprenant les codes des réseaux sociaux (flux d’information, design épuré, fonctionnalités d’engagement et de partage, etc.). 

Si notre objectif est d’offrir la solution Datagora à l’ensemble de l’agora citoyenne, nous avons également identifié, dans un premier temps, des primo-adoptants que nous pensons plus à même d’utiliser spontanément la plateforme, à savoir les journalistes, les décideurs publics, les étudiants et les lycéens. 

Afin de nous faire connaître auprès d’un public jeune et intéressé par l’actualité économique et politique, nous aimerions développer des partenariats dans les mois à venir avec des acteurs qui interviennent directement dans les établissements pour faire de l’éducation à l’information et aux médias, comme le CLEMI, le réseau Canopé ou encore EDUCNUM. 

Nous nous fixons comme objectif d’avoir plusieurs milliers d’utilisateurs récurrents avec des comptes actifs à horizon 6 mois et, plus largement, de devenir un outil de référence dans les débats qui peuvent survenir sur les réseaux sociaux, en particulier Twitter. Nous aimerions aussi contribuer à ce que les publications des instituts soient davantage téléchargées et lues et nous suivrons donc de près ce type de métriques.

En centralisant l’information fournie directement par les organismes de confiance, Datagora souhaite simplifier et assainir la recherche d’information. Tout d’abord en séparant le bon grain de l’ivraie en amont, puis en classant et sourçant ces données en aval. Le grand public comme les chercheurs peuvent donc exploiter en toute confiance les données présentes sur le site, et donc débattre et s’informer sur des sources fiables et vérifiées.

Charles Siroux