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Grand Angle : L'économie collaborative, une utopie en marche ?

France Stratégie vous propose son rendez-vous mensuel en vidéo : Grand angle. Chaque mois, un reportage sur le terrain décrypte nos publications et travaux.

Publié le : 23/02/2016

Mis à jour le : 08/09/2025

Grand Angle : L'économie collaborative, une utopie en marche ?

1
00:00:00,730 --> 00:00:04,600
[Musique]

2
00:00:03,480 --> 00:00:06,799
[Applaudissements]

3
00:00:04,600 --> 00:00:08,120
Bonjour, bienvenue pour le grand angle,

4
00:00:06,799 --> 00:00:10,559
votre rendez-vous mensuel sur

5
00:00:08,120 --> 00:00:12,840
l'actualité de France

6
00:00:10,559 --> 00:00:15,120
Stratégie. Pour ce nouveau grand angle

7
00:00:12,840 --> 00:00:16,800
dédié à l'économie collaborative, nous

8
00:00:15,120 --> 00:00:19,680
sommes ici à Ivri sur scène et plus

9
00:00:16,800 --> 00:00:22,279
précisément au Techop. Autrement dit, un

10
00:00:19,680 --> 00:00:24,359
laboratoire de fabrication. Ici, c'est

11
00:00:22,279 --> 00:00:26,560
un lieu ouvert à tous où des machines

12
00:00:24,359 --> 00:00:28,400
comme une imprimante 3D sont mises à la

13
00:00:26,560 --> 00:00:30,359
disposition du public. Cet atelier fait

14
00:00:28,400 --> 00:00:32,640
partie des nouvelles productions

15
00:00:30,359 --> 00:00:35,399
contributives et change le mode de

16
00:00:32,640 --> 00:00:35,399
consommation des

17
00:00:38,680 --> 00:00:42,440
Français. Techop, c'est un projet qui

18
00:00:41,039 --> 00:00:44,000
est né aux États-Unis, qui s'est né en

19
00:00:42,440 --> 00:00:45,399
Californie il y a à peu près 10 ans où

20
00:00:44,000 --> 00:00:48,039
on va payer un abonnement un peu comme

21
00:00:45,399 --> 00:00:49,719
une salle de sport et venir utiliser les

22
00:00:48,039 --> 00:00:51,199
équipements et réaliser ces projets. Et

23
00:00:49,719 --> 00:00:52,680
la composante collaborative est bien

24
00:00:51,199 --> 00:00:55,480
présente. Les gens vont s'entraider,

25
00:00:52,680 --> 00:00:56,680
vont échanger des compétences et faire

26
00:00:55,480 --> 00:00:58,840
en sorte que les projets grandissent

27
00:00:56,680 --> 00:01:00,000
ensemble. Donc l'économie collaborative

28
00:00:58,840 --> 00:01:02,120
pour vous c'est l'avenir, c'est le

29
00:01:00,000 --> 00:01:04,360
futur. Métro au boulot dodo, c'est ça

30
00:01:02,120 --> 00:01:06,600
assez limite. Il faut un moment ajouter

31
00:01:04,360 --> 00:01:08,880
une brique qui est la brique de du vivre

32
00:01:06,600 --> 00:01:10,600
ensemble, d'être heureux de pouvoir

33
00:01:08,880 --> 00:01:12,400
collaborer et de se rencontrer et

34
00:01:10,600 --> 00:01:14,479
d'échanger sur des passions communes.

35
00:01:12,400 --> 00:01:16,759
L'économie collaborative a de nombreuses

36
00:01:14,479 --> 00:01:18,439
facettes du lieu de production partagé

37
00:01:16,759 --> 00:01:20,360
comme les fablables au financement

38
00:01:18,439 --> 00:01:22,000
solidaire de projet en passant par

39
00:01:20,360 --> 00:01:23,880
l'achat et la vente de services ou de

40
00:01:22,000 --> 00:01:25,200
bien. L'échange entre particuliers n'est

41
00:01:23,880 --> 00:01:27,280
pas une pratique nouvelle, mais

42
00:01:25,200 --> 00:01:29,200
l'arrivée d'Internet a révolutionné ses

43
00:01:27,280 --> 00:01:31,280
transactions et a permis l'émergence

44
00:01:29,200 --> 00:01:34,479
d'une nouvelle économie. Aujourd'hui, on

45
00:01:31,280 --> 00:01:36,439
dénombre plus de 270 plateformes dont 70

46
00:01:34,479 --> 00:01:38,560
% sont françaises. C'est pour cela que

47
00:01:36,439 --> 00:01:41,079
France Stratégie en collaboration avec

48
00:01:38,560 --> 00:01:43,040
le HESS et Lin Ria organise tout au long

49
00:01:41,079 --> 00:01:45,159
de l'année un cycle de débat mensuel

50
00:01:43,040 --> 00:01:47,520
intitulé mutation technologique et

51
00:01:45,159 --> 00:01:49,880
mutation sociale. Et la question de

52
00:01:47,520 --> 00:01:51,439
l'économie participative était au cœur

53
00:01:49,880 --> 00:01:53,079
des réflexions. les nouvelles

54
00:01:51,439 --> 00:01:55,759
entreprises euh sont apparues au cours

55
00:01:53,079 --> 00:01:57,360
des dernières années euh dans la matière

56
00:01:55,759 --> 00:01:59,280
en matière de transport, dans dans

57
00:01:57,360 --> 00:02:01,560
l'hébergement, on a euh des nouvelles

58
00:01:59,280 --> 00:02:02,920
solutions de partage qui qui émergent,

59
00:02:01,560 --> 00:02:05,159
qui viennent bouleverser l'organisation

60
00:02:02,920 --> 00:02:06,960
de secteur euh euh traditionnel et c'est

61
00:02:05,159 --> 00:02:08,360
pourquoi on a souhaité interroger ces

62
00:02:06,960 --> 00:02:09,920
transformations là tant du point de vue

63
00:02:08,360 --> 00:02:11,319
des nouvelles technologies qui les qui

64
00:02:09,920 --> 00:02:13,120
les rendent possible, mais aussi quelle

65
00:02:11,319 --> 00:02:15,239
à quelle mutation sociale elle

66
00:02:13,120 --> 00:02:17,120
correspondent. Justement, qui a poussé

67
00:02:15,239 --> 00:02:18,920
l'autre ? C'est la technologie a fait

68
00:02:17,120 --> 00:02:21,840
qu'on est arrivé sur une économie

69
00:02:18,920 --> 00:02:23,959
collaborative ou c'est la société qui

70
00:02:21,840 --> 00:02:26,560
tend les sorts de ces sites internet.

71
00:02:23,959 --> 00:02:28,480
ces plateformes de partage euh elles

72
00:02:26,560 --> 00:02:31,360
sont à la fois rendues possibles par euh

73
00:02:28,480 --> 00:02:33,400
par des évolutions technologiques euh au

74
00:02:31,360 --> 00:02:35,440
premier titre desquels ben le smartphone

75
00:02:33,400 --> 00:02:37,959
qui permet d'identifier les individus,

76
00:02:35,440 --> 00:02:39,400
de faciliter des des transactions avec

77
00:02:37,959 --> 00:02:41,319
notamment les questions de de

78
00:02:39,400 --> 00:02:44,080
localisation mais elle répond aussi à

79
00:02:41,319 --> 00:02:47,120
des aspirations sociales, des images

80
00:02:44,080 --> 00:02:48,800
positives du partage et puis enfin tout

81
00:02:47,120 --> 00:02:50,480
bêtement des considérations de coût.

82
00:02:48,800 --> 00:02:51,480
C'estàd que ces nouvelles solutions

83
00:02:50,480 --> 00:02:52,519
collaboratives, elles permettent dans

84
00:02:51,480 --> 00:02:54,480
pas mal de cas de bénéficier de

85
00:02:52,519 --> 00:02:57,280
solutions moins chères. Donc l'économie

86
00:02:54,480 --> 00:02:59,319
de demain sera collaborative en France

87
00:02:57,280 --> 00:03:01,800
comme à l'international. De nombreuses

88
00:02:59,319 --> 00:03:04,519
initiatives participent au développement

89
00:03:01,800 --> 00:03:06,879
de ce modèle alternatif. Une économie

90
00:03:04,519 --> 00:03:09,120
qui, je le rappelle se base sur le

91
00:03:06,879 --> 00:03:11,840
partage ou la vente entre particuliers

92
00:03:09,120 --> 00:03:14,120
de biens ou de services et cela via des

93
00:03:11,840 --> 00:03:16,239
plateformes numériques. Et vous quel

94
00:03:14,120 --> 00:03:19,280
site utilisez-vous ? principalement le

95
00:03:16,239 --> 00:03:22,080
Bon Coinbnb Kiss bank bank des

96
00:03:19,280 --> 00:03:23,400
particuliers qui euh qui proposent de

97
00:03:22,080 --> 00:03:25,280
comme le taxi ? Moi je préfère le huber

98
00:03:23,400 --> 00:03:27,200
parce que c'est un peu plus géré en fait

99
00:03:25,280 --> 00:03:28,400
avec internet c'est difficile de pas y

100
00:03:27,200 --> 00:03:29,480
couper et au fur et à mesure ça risque

101
00:03:28,400 --> 00:03:32,120
de se développer. Pour moi, c'est même

102
00:03:29,480 --> 00:03:34,159
une façon obligatoire d'appréhender un

103
00:03:32,120 --> 00:03:36,319
grand virage dans l'économie. En 2015,

104
00:03:34,159 --> 00:03:38,680
un français sur deux a déjà acheté ou

105
00:03:36,319 --> 00:03:40,439
vendu sur internet un autre particulier.

106
00:03:38,680 --> 00:03:42,360
Un phénomène qui ne cesse de prendre de

107
00:03:40,439 --> 00:03:44,560
l'ampleur et sur lequel s'est penché

108
00:03:42,360 --> 00:03:46,599
David Menacé. Auteur de la France du Bon

109
00:03:44,560 --> 00:03:48,599
Coin, il s'est intéressé de près au

110
00:03:46,599 --> 00:03:50,959
travailleur de cette nouvelle économie.

111
00:03:48,599 --> 00:03:52,879
un public au profil peu qualifié et

112
00:03:50,959 --> 00:03:54,159
souvent éloigné de l'emploi. Et donc ce

113
00:03:52,879 --> 00:03:55,720
qu'on voit c'est effectivement depuis

114
00:03:54,159 --> 00:03:56,680
une quinzaine d'années le développement

115
00:03:55,720 --> 00:03:59,120
de

116
00:03:56,680 --> 00:04:00,360
l'auto-entrepreneuriat euh de on va dire

117
00:03:59,120 --> 00:04:02,000
du

118
00:04:00,360 --> 00:04:03,360
micro-entrepreneuriat qui en fait une

119
00:04:02,000 --> 00:04:05,439
stratégie de débrouille. Bah les gens

120
00:04:03,360 --> 00:04:07,360
effectivement cher à se à se débrouiller

121
00:04:05,439 --> 00:04:10,159
face au risque de précarité. Cette

122
00:04:07,360 --> 00:04:13,680
première tendance elle vient aujourd'hui

123
00:04:10,159 --> 00:04:15,959
accélérée par l'économie collaborative.

124
00:04:13,680 --> 00:04:17,840
C'est-à-dire que avant quand vous

125
00:04:15,959 --> 00:04:19,079
cherchiez grosso modo des clients, bah

126
00:04:17,840 --> 00:04:21,000
c'était en bas de chez vous et

127
00:04:19,079 --> 00:04:23,919
aujourd'hui grâce aux plateformes

128
00:04:21,000 --> 00:04:25,320
numériques du Bon Coin jusqu'à Uber, bah

129
00:04:23,919 --> 00:04:28,280
vous pouvez trouver énormément

130
00:04:25,320 --> 00:04:30,039
d'opportunités différentes. Et donc il

131
00:04:28,280 --> 00:04:31,520
va y avoir une relation plus compliquée

132
00:04:30,039 --> 00:04:33,479
et qui pose beaucoup de questions sur

133
00:04:31,520 --> 00:04:34,960
l'évolution du droit du travail entre

134
00:04:33,479 --> 00:04:36,680
d'un côté des clients, de l'autre ces

135
00:04:34,960 --> 00:04:38,759
prestataires et puis ces plateformes

136
00:04:36,680 --> 00:04:41,000
numériques. statut d'auto-entrepreneur

137
00:04:38,759 --> 00:04:43,039
ou salarié ou bien comment taxer les

138
00:04:41,000 --> 00:04:45,160
revenus tirés par les utilisateurs de

139
00:04:43,039 --> 00:04:46,759
ces plateformes. La société et les

140
00:04:45,160 --> 00:04:49,080
pouvoir publics doivent encore trouver

141
00:04:46,759 --> 00:04:51,240
des ajustements face à cette économie

142
00:04:49,080 --> 00:04:53,600
collaborative qui préfigure pour

143
00:04:51,240 --> 00:04:55,320
certains spécialistes une 4e révolution

144
00:04:53,600 --> 00:04:57,440
industrielle. Pour Jean-Baptiste

145
00:04:55,320 --> 00:04:59,360
Fressose, historien des sciences, des

146
00:04:57,440 --> 00:05:01,080
techniques et de l'environnement, à

147
00:04:59,360 --> 00:05:03,160
chaque révolution industrielle ses

148
00:05:01,080 --> 00:05:04,440
craintes. Le point important, c'est que

149
00:05:03,160 --> 00:05:06,199
c'est bien ces plaintes, ces

150
00:05:04,440 --> 00:05:08,120
contestations, ces luttes même parfois

151
00:05:06,199 --> 00:05:10,720
qui font que les technologies sont euh

152
00:05:08,120 --> 00:05:12,440
normalisées, sécurisées. Par exemple, au

153
00:05:10,720 --> 00:05:13,639
début de la machine à vapeur, symbole

154
00:05:12,440 --> 00:05:15,880
s'il en est de la première révolution

155
00:05:13,639 --> 00:05:17,039
industrielle, euh il y a eu tout un tas

156
00:05:15,880 --> 00:05:18,800
de plaintes en France liées aux

157
00:05:17,039 --> 00:05:20,720
explosions de machines à vapeur. En

158
00:05:18,800 --> 00:05:22,160
1823, le ministre de l'intérieur

159
00:05:20,720 --> 00:05:24,319
interdit les machines à vapeur suite à

160
00:05:22,160 --> 00:05:25,600
ses plaintes. Et c'est dans ce contexte

161
00:05:24,319 --> 00:05:28,360
là qu'on fait les premières normes de

162
00:05:25,600 --> 00:05:30,000
sécurité. S'il y a pas de de remise en

163
00:05:28,360 --> 00:05:31,440
cause de de la technologie, de ce

164
00:05:30,000 --> 00:05:34,120
qu'elle est, de ce qu'elle

165
00:05:31,440 --> 00:05:35,680
implique, je veux dire, le social sera

166
00:05:34,120 --> 00:05:36,680
manifestement perturbé. Ça créera

167
00:05:35,680 --> 00:05:38,520
beaucoup de chômage et donc c'est

168
00:05:36,680 --> 00:05:39,800
évidemment indispensable à la fois de

169
00:05:38,520 --> 00:05:40,840
d'aller doucement, de réguler,

170
00:05:39,800 --> 00:05:42,120
d'interdire parfois certaines

171
00:05:40,840 --> 00:05:44,520
technologies ou certaines applications

172
00:05:42,120 --> 00:05:46,560
des technologies. Le numérique modifie

173
00:05:44,520 --> 00:05:48,560
nos comportements et la société de

174
00:05:46,560 --> 00:05:50,000
demain dessine les contours de cette

175
00:05:48,560 --> 00:05:51,880
transformation numérique. Des

176
00:05:50,000 --> 00:05:54,160
bouleversements que France Stratégie va

177
00:05:51,880 --> 00:05:55,680
continuer de questionner. Avènement des

178
00:05:54,160 --> 00:05:58,280
objets connectés dans le secteur

179
00:05:55,680 --> 00:06:00,440
médical, place des algorithmes ou bien

180
00:05:58,280 --> 00:06:02,000
la course à l'intelligence artificielle.

181
00:06:00,440 --> 00:06:04,120
Ce seront les thèmes des prochaines

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séances du cycle des débats mutation

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technologique, mutation sociale.

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Ce quatrième Grand angle revient sur le séminaire consacré à l'économie collaborative dans le cycle de débats mensuels « Mutations technologiques, mutations sociales ».

Les avancées numériques et les transformations sociales résultantes ou motrices de ces innovations suscitent enthousiasmes, débats et controverses, tant sur leur portée, que sur les opportunités ou les risques qu’elles recèlent.

Les activités dites de « l’économie collaborative » (sharing economy) se développent à grande vitesse. Ainsi, d’après une étude de PwC, le chiffre d’affaires de l’économie collaborative à l’échelle mondiale pourrait passer de 15 milliards de dollars en 2013 à 235 milliards à l’horizon 2025[1]. Championne française, l’entreprise Blablacar compte aujourd’hui 20 millions d’utilisateurs dans le monde. Ces activités suscitent néanmoins de vifs débats, sur leurs effets économiques, environnementaux et surtout sociaux. Construites autour de l’échange, du partage ou de la vente entre particuliers de biens, de capitaux, de services voire de symboles, elles recouvrent des réalités très diverses.

Pour comprendre le développement de ces activités et les enjeux associés, France Stratégie, en partenariat avec l’EHESS et Inria, a choisi d’en faire le thème du troisième débat organisé dans le cadre du cycle « Mutations technologiques, mutations sociales » lancé en octobre 2015.

  • Frédéric Mazzella, fondateur et président de Blablacar, a introduit le débat.
  • Marie-Anne Dujarier, sociologue du travail (Sorbonne Nouvelle et CNRS) a ensuite pris la parole pour exposer l’avancement de ses recherches.
  • Marie-Anne Dujarier note que l’appellation « économie collaborative » désigne actuellement des pratiques sociales très hétérogènes. Elle propose de classifier les modèles économiques selon deux axes[2] : Les échanges peuvent être marchands, comme dans le cas d’Uber, ou non marchands, comme Blablacar (pour lequel le paiement correspond à un partage des frais) ou Facebook. Par exemple, chez Blablacar, les trajets de covoiturage sont facturés de 6 à 7 centimes d’euro par kilomètre, bien en deçà du barème fiscal kilométrique (40 à 60 centimes d’euro selon la puissance du véhicule) ou du prix d’une course de taxi (plus d’un euro par kilomètre). Deuxièmement, la plateforme, intermédiaire des échanges, peut être à but lucratif (Uber, Blablacar, Facebook) ou non lucratif, comme dans le cas des « communs » (Wikipedia) ou des services publics.

Les moteurs du développement de ces activités

D’après Frédéric Mazzella, un des principaux facteurs de développement de l’économie collaborative est l’amélioration de la technologie des plateformes en ligne, via l’augmentation de la taille des bases de données, des capacités des moteurs de recherche et l’amélioration de la connectivité.

Toutefois, ces modèles s’appuient aussi fortement sur la construction de la confiance entre deux particuliers. La réputation, fondée sur la création de profils et la notation, prend une place centrale dans les échanges, pouvant parfois aller jusqu’à l’exclusion des personnes mal notées, ce qui n’est pas sans poser de question sur ce mode de gestion des usagers. Les plateformes ont aussi réussi à développer la confiance grâce au paiement en ligne, qui permet d’éviter le transfert d’argent en direct. Le niveau de confiance atteint par les plateformes peut être impressionnant, nettement supérieur à la confiance dans un voisin et s’approchant même de la confiance dans la famille.

Le développement de ces activités répond de plus à de nouvelles aspirations. Elles sont plus utilisées par les jeunes notamment, qui maîtrisent davantage les outils numériques. Elles s’inscrivent aussi souvent dans la recherche d’une utilisation plus efficace des biens et équipements. Les contraintes financières entrent enfin en ligne de compte dans le recours à ces nouvelles activités.

Pour quel impact environnemental ?

Le cas de la voiture est éloquent d’après le fondateur de Blablacar. Alors que le parc automobile français compte 38 millions de véhicules et représente des dépenses se chiffrant à presque 10 % du PIB, que la possession d’un véhicule coûte environ 6 000 euros par an à un ménage, les automobiles passent 96 % du temps arrêtées et 2,7 % à se déplacer. Le covoiturage s’est développé sur ce potentiel inutilisé. L’effet sur l’environnement fait néanmoins débat. De récentes études de l’ADEME[3] montrent en effet que si le gain environnemental est conséquent dans le cas du covoiturage de courte distance, dans le cas du covoiturage de longue distance, 1 km covoituré par un équipage n’entraîne une économie que de 0,04 kilomètre en voiture particulière. Il se substitue en outre fortement au train, puisqu’1 km covoituré par un équipage entraîne une diminution de 1,97 kilomètre parcouru avec le train. D’après cette étude, les effets en termes de réduction des émissions de gaz à effets de serre sont ainsi plus faibles que ce qu’on aurait pu attendre.

Et quelles répercussions sur le travail ?

Les différentes plateformes ont des effets très différenciés sur le monde du travail d’après Marie-Anne Dujarier[4]. Les plateformes marchandes à but lucratif favorisent la domination des propriétaires et concepteurs de la plateforme, qui captent une grande partie de la richesse, pratiquent parfois l’évitement fiscal et s’appuient sur une masse de micro-entrepreneurs non-salariés, qui ne participent donc pas à la solidarité liée à ce statut. Ces modèles économiques ont suscité l’émergence de nouveaux mouvements sociaux visant à faire reconnaître le caractère parfois subordonné ou de dépendance économique de ces travailleurs.

À l’inverse, les contributeurs des plateformes non marchandes à but lucratif n’ont généralement pas le sentiment d’exercer une activité professionnelle. Elles peuvent toutefois entrer en concurrence avec des activités professionnelles existantes, d’où la question du statut de ce type d’activité productive fournie volontairement et bénévolement.

Ces deux modèles interrogent en permanence la frontière entre amateurs et professionnels, ainsi que le concept même de « travail » dans nos institutions, observe la sociologue.

Les enjeux pour les plateformes de l’économie collaborative 

Si l’économie collaborative prend de l’ampleur, aujourd’hui peu de plateformes arrivent à émerger et survivre, explique Frédéric Mazzella. Les difficultés pour lever des fonds, davantage présentes en France qu’aux États-Unis, peuvent être un des freins. Par ailleurs, en fonction des activités, l’organisation d’une place de marché est plus ou moins facile. Ainsi, le fonctionnement d’une plateforme de covoiturage, pour laquelle les chauffeurs ne sont pas disponibles à la demande, nécessite un nombre de conducteurs bien supérieur à celui requis par une entreprise comme Uber pour assurer une offre suffisante qui attire les utilisateurs. La réglementation en place peut aussi constituer un obstacle et la concurrence avec les activités installées ou subventionnées est une limite au développement, d’après Frédéric Mazzella. Si ces activités démontrent une utilité sociale ou environnementale, faudra-t-il revoir ces règles de fonctionnement ? Par exemple, les transports publics urbains sont fortement subventionnés : faut-il envisager d’étendre le subventionnement à l’autopartage, questionne-t-il ?

Marie-Anne Dujarier analyse que ces activités ont des effets sur les solidarités construites notamment autour du salariat, de la fiscalité et des professions, sur lesquelles notre société est encore bâtie. Si ces changements s’installent, quelles solidarités faudra-t-il alors  mettre en place ?

[1] « Megatrend collisions: Introducing the sharing economy », 2015. pwc.blogs.com/files/sharing-economy-final_0814.pdf

[2] Dujarier M.A., « Les usages sociaux du numérique : une typologie », In Digital labor, travail du consommateur, quels usages sociaux du numérique ?, INA Global, La Revue des Industries Créatives et des Médias. A paraître.

[3] Étude nationale sur le covoiturage de courte distance, Ademe, 2015 et Enquête auprès des utilisateurs du covoiturage de longue distance, Ademe, 2015.

[4] Dujarier M.A., 2015 , “The activity of the consumer: strengthening, transforming or contesting capitalism?”, The Sociological Quarterly, Volume 56, Issue 3, pp. 460-471.

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