Note d’analyse

L’eau en 2050 : graves tensions sur les écosystèmes et les usages

Sauf transformation radicale des usages, les prélèvements en eau et plus encore les consommations – soit la part évapotranspirée du prélèvement –, devraient fortement croître entre 2020 et 2050. Due pour l’essentiel à la hausse de la demande en eau d’irrigation, l’augmentation des consommations devrait se concentrer en période printanière et estivale. On tente ici de confronter cette demande théorique aux ressources projetées en 2050. L’objectif est d’identifier, à l’échelle de la France découpée en quarante bassins versants, les périodes de l’année où des tensions sur la ressource en eau de surface pourraient apparaître, c’est-à-dire lorsque les besoins environnementaux ou la demande humaine en eau ne seraient pas satisfaits.

Published on : 25/06/2025

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Concernant les besoins environnementaux, du fait du changement climatique, les écosystèmes pourraient subir à l’horizon 2050 des situations de stress chronique plusieurs années consécutives sur toute la France hexagonale, en particulier dans le sud-ouest et le sud-est. Les prélèvements humains viendront accroître cette pression sur les milieux ; un effort de sobriété s’impose.

S’agissant des usages humains, sans inflexion des tendances actuelles, 88 % du territoire hexagonal pourraient être en situation de tension modérée ou sévère en été en matière de prélèvements. Des restrictions d’usage de l’eau pour les activités agricoles, industrielles ou pour les particuliers seraient alors probables sur la quasi-totalité du territoire, comme en 2022. La tension relative aux consommations pourrait être forte dans le sud-ouest et le sud-est de la France, en raison de la part importante de l’eau consommée, du fait notamment de l’irrigation des cultures.

Enfin, la situation hydrique devrait être amenée à se dégrader entre les horizons 2020 et 2050, non seulement en été, mais aussi en hiver, dans la très grande majorité de la France hexagonale. Il faut voir là l’effet combiné d’une diminution de la ressource en eau et d’une augmentation de la demande en prélèvements et surtout en consommations. Ces constats appellent à planifier dès aujourd’hui les transformations des pratiques qui permettront de limiter les pressions sur les écosystèmes et les conflits entre les différents usages de l’eau.

Aggravation potentielle de la situation hydrique entre 2020 et 2050

Cliquez sur la carte pour voir les données de chaque bassin versant.

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et n'ont pas vocation à refléter la position du gouvernement.

Introduction

Les conflits d’usage autour de l’eau sont nombreux. En témoignent récemment les mobilisations contre les retenues de substitution agricoles, le projet d’extension d’une usine de microprocesseurs dans la banlieue de Grenoble ou encore les prélèvements en nappe pour produire de l’eau en bouteille dans les Vosges.

Après un premier volet sur les enjeux et usages de l’eau[1], un deuxième volet prospectif[2] sur la demande a permis de mettre en évidence une croissance potentiellement importante des prélèvements (soit l’eau extraite d’un cours d’eau ou d’une nappe) et surtout des consommations (soit la part des prélèvements non directement restituée au milieu car évapotranspirée[3] ) entre 2020 et 2050, dans la majorité des bassins versants. Ceci est notamment lié à la croissance de la demande en eau d’irrigation. Compte tenu des caractéristiques de l’irrigation agricole, l’augmentation des consommations se concentre en période estivale.

La seule connaissance de la demande en eau et de ses évolutions potentielles ne suffit pas pour identifier les territoires où des tensions pourraient se faire jour ou s’intensifier. Encore faut-il pouvoir confronter cette demande à la ressource qui sera disponible dans le futur. Un tel exercice est notamment rendu possible grâce aux résultats de l’étude Explore2 de l'INRAE et de l’Office international de l’eau (OiEau)[4].

Dans ce troisième volet de nos travaux[5] , l’objectif est d’identifier, à l’échelle de la France découpée en quarante bassins versants, les périodes de l’année au cours desquelles des tensions sur la ressource en eau de surface pourraient apparaître, c’est-à-dire lorsque les besoins environnementaux ou la demande humaine en eau sont non satisfaits. Cette évaluation a été réalisée pour deux années contrastées (simulées dans Explore2), sélectionnées à l’horizon 2050 : une année marquée par un printemps-été sec et une autre par un printemps-été humide. Les tensions sur la ressource en eau souterraine n’ont pas été considérées en raison de l’insuffisance d’éléments sur les dynamiques de cette ressource.

Ce travail n’entend pas se substituer aux études détaillées conduites à l’échelle des schémas d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE), des projets de territoire pour la gestion de l’eau (PTGE) et des études d’évaluation des volumes prélevables. En eet, pour couvrir l’intégralité du territoire hexagonal, l’échelle de travail est ici volontairement large : les bassins versants mesurent en moyenne 13 600 km2, quand la surface moyenne d’un SAGE est de 1 963 km2. Notre analyse porte uniquement sur le cours d’eau principal de chaque bassin versant. Elle ne saurait donc permettre d’identifier des tensions qui peuvent survenir en tête de bassin ou sur les affluents.

Comment estimer les tensions sur la ressource en eau ?

L’objectif de cette étude est de croiser une demande future[6] avec la ressource potentiellement disponible. Seules les eaux de surface sont ici considérées. À l’échelle nationale, en 2020, les prélèvements dans les eaux de surface représentent 81 % des prélèvements totaux[7] . Deux projections climatiques à l’horizon 2050 ont été étudiées, et les résultats sont présentés ici pour la projection la plus défavorable, celle pour laquelle il conviendrait de se préparer.

La confrontation entre la demande théorique en eau et la ressource a été réalisée aux mêmes échelles spatiales et temporelles que la projection de la demande[8] , c’est-à-dire à l’échelle de la France hexagonale (avec la Corse) découpée en quarante bassins versants et au pas de temps mensuel[9].

Projections climatiques

Afin d’identifier les situations a priori les plus défavorables, nous avons considéré le scénario d’émissions de gaz à effet de serre RCP 8.5 du Giec[10], qui prévoit un réchauffement moyen global en France hexagonale de +4 °C en fin de siècle par rapport à la période de référence 1976-2005.

Sous ce scénario d’émissions, une projection climatique décrite dans le rapport climat du projet Explore2 a été étudiée[11]. Cette projection nommée « violet » se caractérise par un fort réchauffement (+5°C en fin de siècle par rapport à la période 1976-2005) et par de forts contrastes saisonniers en précipitations[12].

Pour l’horizon 2050, nous avons sélectionné une année marquée par un printemps-été sec sur l’intégralité du territoire national et une année marquée par un printemps-été humide. Ces années sont appelées « printemps-été sec » ou « printemps-été humide » par la suite. Avec la projection « violet » et pour l’année marquée par un printemps-été sec, on observe de très faibles précipitations entre les mois de mai et de novembre par rapport aux précipitations observées durant l’année 2020, année pourtant particulièrement sèche en juillet et en novembre.

Effet du changement climatique sur la satisfaction des besoins environnementaux

Pour estimer les besoins environnementaux[13], nous avons opté pour la méthode des « débits mensuels variables » développée pour améliorer la protection des écosystèmes en période de basses eaux[14]. Cependant, les débits déterminés ne garantissent pas nécessairement la préservation des écosystèmes, qui peuvent être affectés par des variations de débits inframensuelles, par exemple lors d’un assec de la rivière de quelques jours. Cette méthode d’estimation globale des débits environnementaux permet d’obtenir un ordre de grandeur à l’échelle de bassins versants relativement vastes mais elle ne saurait se substituer à une détermination locale des débits environnementaux, reposant sur une expertise et une description fine du milieu et du contexte biologique[15].

Pour évaluer l’effet du changement climatique sur les écosystèmes indépendamment des prélèvements anthropiques, nous avons comparé les besoins environnementaux calculés sur notre période de référence, c’est-à-dire autour de 2020[16] (période 2011-2030), avec les volumes potentiellement disponibles en 2050, pour une année type, sèche ou humide, au cours du printemps-été.

Pour calculer les besoins environnementaux autour de 2020, nous avons eu recours aux débits simulés sans intervention humaine du projet Explore2[17]. Nous avons procédé de même pour les volumes potentiellement disponibles sur une année type en 2050, mais en ajoutant les ouvrages de transfert et de régulation[18] qui permettent d’assurer un soutien d’étiage et de réduire les tensions en période estivale. En revanche, notre objectif étant ici d’identifier l’effet du changement climatique sur les écosystèmes aquatiques, les prélèvements et les consommations relevant des activités humaines n’ont pas été considérés. Notre indice 1, calculé au pas de temps mensuel, est donc le ratio entre les besoins environnementaux de 2020 et les volumes potentiellement disponibles pour une année type à l’horizon 2050, calculé pour les quarante bassins versants.

Évaluation des tensions liées aux prélèvements et aux consommations humaines

Outre ce premier indicateur de stress sur les écosystèmes, pour avoir la vision la plus complète possible, nous avons retenu quatre indices de tensions sur la ressource en eau dues aux activités humaines. Décrits dans la littérature, ces indices ont été calculés au pas de temps mensuel.

L’indice 2 correspond au ratio, en 2050, entre les volumes prélevés et les volumes potentiellement disponibles. Cet indice de tension via les prélèvements[19] est aussi l’indicateur le plus souvent mobilisé par la littérature, qui préfère raisonner en volumes prélevés plutôt que consommés[20].

L’indice 3 est le ratio, en 2050, entre les volumes consommés et les volumes potentiellement disponibles c’est notre indice de tension via les consommations[21]. Retenons que les prélèvements auront des effets sur la qualité de l‘eau et sur sa disponibilité, tandis que les consommations constitueront une ressource en moins pour les écosystèmes, mais aussi pour les activités situées en aval. La littérature mobilise peu cet indicateur, malgré son intérêt.

Les indicateurs 4 et 5 permettent quant à eux de croiser les évolutions de la demande et de la ressource entre 2020 et 2050. L’indice 4 croise l’évolution de la demande en prélèvements avec l’évolution des volumes potentiellement disponibles dans le milieu[22]. Une valeur inférieure à 1 indique que la ressource diminue relativement plus — ou augmente relativement moins — que les prélèvements, ou encore qu’elle diminue quand les prélèvements augmentent : c’est toujours le signal d’une dégradation de la situation hydrique entre 2020 et 2050. Enfin, l’indice 5 permet de croiser l’évolution de la demande en consommations avec l’évolution des volumes disponibles dans le milieu.

En fournissant des informations complémentaires, les cinq indices utilisés au total — voir récapitulatif en Tableau 1 — permettent d’obtenir une estimation des tensions futures sur la ressource en eau et les écosystèmes aquatiques.

 

Tableau 1 − Les cinq indices de tensions mensuels utilisés dans cette étude et leurs caractéristiques

Source : HCSP

Choix des modèles hydrologiques

Les résultats présentés ici ont été obtenus à partir de deux modèles hydrologiques utilisés dans le cadre de l’étude Explore2, à savoir SMASH et ORCHIDEE[23]. Sur les neuf étudiés, ces deux modèles présentent le plus grand nombre de points de simulation. Leurs performances ont été estimées comme bonnes[24] à très bonnes[25]. Ils n’en ont pas moins chacun leurs limites.

Le modèle SMASH présente des performances moindres dans l’ouest du bassin hydrographique Seine-Normandie[26]. En outre, il semble surestimer légèrement les débits de hautes eaux et les débits d’étiage dans le Massif central, et les sous-estimer ailleurs.

Le modèle ORCHIDEE quant à lui présente des débits globalement supérieurs aux autres modèles. Il affiche de moindres performances dans les bassins versants montagneux, en particulier dans les Alpes, en raison de la topographie compliquée et de la présence de neige. Ce modèle a également des difficultés à simuler les débits des cours d’eau à régime pluvial faiblement contrasté, notamment dans les bassins versants de la Seine et des Hauts-de-France, où les nappes jouent un rôle non négligeable sur la dynamique des débits[27].

Estimation des volumes mensuels potentiellement disponibles dans les eaux de surface

Le volume simulé de chaque bassin versant a été calculé à l’échelle mensuelle à partir des débits projetés obtenus dans le cadre du projet Explore2 sur l’ensemble des stations hydrométriques situées le plus en aval des bassins versant[28].

Dans le projet Explore2, les débits simulés sont des débits naturels, sans intervention humaine. Nous avons reconstruit des débits anthropisés en prenant en compte à la fois les ouvrages de transfert d’un bassin versant vers un autre, les ouvrages de régulation (c’est-à-dire les barrages) et l’influence des prélèvements et consommations des bassins versants amont.

Évaluation de la demande à horizon 2050

Enfin, la demande théorique en eau à l’horizon 2050 a été évaluée pour trois scénarios d’usage. Le scénario « tendanciel » prolonge les tendances passées[29]. Le scénario « politiques publiques » simule la mise en place des mesures récemment annoncées, qu’elles aient un lien direct ou non avec l’eau[30]. Le scénario dit « de rupture », inspiré du scénario « coopérations territoriales » issu du travail prospectif Transition(s) 2050 de l’Ademe, se caractérise par un usage sobre de l’eau[31]. Ces trois scénarios et la méthode utilisée pour évaluer les demandes en eau futures théoriques de sept secteurs (irrigation, élevage, canaux de navigation, énergie, résidentiel, tertiaire et industrie) sont décrits dans notre étude précédente[32].

Rappelons pour clore ce tableau méthodologique que, dans la présente étude, seuls les prélèvements en eaux de surface sont considérés. Le fait de ne pas prendre en compte les prélèvements en eaux souterraines constitue une limite importante, en particulier dans les bassins versants où l’on prélève majoritairement en eaux souterraines, et plus encore lorsque les nappes et les cours d’eau sont en interaction étroite, comme c’est le cas dans les bassins de la Seine[33], de la Loire, de l’Escaut et de la Meuse. Les résultats obtenus dans ces bassins versants sont donc à interpréter avec précaution.

Des tensions sur les écosystèmes comme sur les activités humaines à l’horizon 2050

Les besoins environnementaux seront difficilement satisfaits à cause du changement climatique

Après ce détour méthodologique, nous pouvons maintenant comparer mensuellement les besoins environnementaux déterminés sur la période de référence 2020 avec les volumes potentiellement disponibles à l’horizon 2050 pour une année avec un printemps-été sec et pour une année avec un printemps-été humide.

Avec un printemps-été sec, les besoins environnementaux sont non satisfaits, c’est-à-dire qu’ils sont supérieurs aux volumes potentiellement disponibles au moins un mois de l’année dans les quarante bassins versants (voir Carte 1). Le déséquilibre est particulièrement important en été, avec plus de 90 % des bassins versants en situation de stress. C’est vrai pour les deux modèles hydrologiques retenus, mais les résultats apparaissent plus défavorables encore avec SMASH qu’avec le modèle ORCHIDEE. Ainsi, les durées de stress sont généralement plus longues avec le modèle SMASH.

Carte 1 − Nombre de mois de non-satisfaction des besoins environnementaux à l’horizon 2050 selon les conditions météorologiques de l’année et le modèle hydrologique

Note : pour le modèle SMASH, tous les bassins versants n’ont pas pu être analysés (en hachuré) faute de points de simulation en nombre suffisant dans ces territoires. 

Lecture : à l’horizon 2050, pour une année marquée par un printemps-été sec et pour le modèle hydrologique ORCHIDEE, les besoins environnementaux ne sont  pas satisfaits entre sept et huit mois dans le bassin versant de la Charente (indiqué par une flèche). 

Source : HCSP, selon la méthode décrite précédemment

De manière plus surprenante, même si on retient un printemps-été humide, dans près de la moitié des bassins versants de l’Hexagone, les besoins environnementaux sont non satisfaits au moins un mois de l’année. Les bassins versants concernés se situent majoritairement dans le sud-ouest et le sud-est de la France (voir Carte 1). Dans ces territoires, les écosystèmes pourraient se trouver en situation de stress chronique, chaque année, à l’horizon 2050, ce qui pourrait durablement obérer leur fonctionnement.

Pour quantifier plus précisément l’ampleur des déficits observés, on peut regarder de plus près six bassins versants répartis sur tout le territoire (voir Graphique 1). On constate de nouveau que les besoins environnementaux ne sont pas satisfaits en été, mais on s’aperçoit qu’ils ne le sont pas davantage en novembre − mois qui présente un déficit de précipitations de plus de 75 %[34]. En novembre donc, on a par exemple, pour le modèle ORCHIDEE, des besoins environnementaux plus de quatre fois supérieurs aux volumes simulés dans les bassins versants de la Moselle et de la Seine aval.

Graphique 1 − Rapport mensuel entre les besoins environnementaux et les volumes disponibles dans six bassins versants pour une année marquée par un printemps-été sec en 2050 (modèle hydrologique ORCHIDEE en bleu et SMASH en gris)

Note : la ligne horizontale indique le seuil de dépassement des besoins environnementaux. Pour le bassin versant de l’Escaut, les points de simulations disponibles  ne permettent pas de calculer le ratio pour le modèle SMASH. 

Lecture : à l’horizon 2050, pour une année marquée par un printemps-été sec et pour le modèle hydrologique ORCHIDEE, les besoins environnementaux seraient  près de quatre fois supérieurs aux volumes potentiellement disponibles en novembre dans le bassin versant Garonne amont.  

Source : HCSP, selon la méthode décrite précédemment

Au cours de la période estivale, les déficits sont particulièrement élevés dans les bassins versants du sud de la France. Ainsi, en juillet, avec le modèle ORCHIDEE, les besoins environnementaux sont près de trois fois supérieurs aux volumes disponibles dans le bassin versant de la Garonne amont et près de quatre fois supérieurs dans le bassin versant du Rhône aval. Dans les bassins versants de la Loire aval et de la Moselle, les déficits obtenus avec le modèle SMASH sont bien plus élevés que ceux obtenus avec le modèle ORCHIDEE. Cet écart pourrait s’expliquer par le fait que le modèle ORCHIDEE a des difficultés à simuler les débits dans des territoires caractérisés par de fortes interactions entre les nappes et les rivières.

Ces résultats suggèrent que du seul fait du changement climatique, sans même tenir compte des prélèvements anthropiques, les écosystèmes pourraient subir des situations de stress non seulement dans le cas d’une année marquée par un printemps-été sec, mais aussi dans le cas d’une année caractérisée par un printemps-été humide, notamment dans le sud-ouest et le sud-est de la France.

Face à la diminution attendue des débits, la résilience des écosystèmes, c’est-à-dire leur capacité à maintenir leurs fonctions, sera d’autant plus grande que ces écosystèmes seront riches en diversité[35]. Préserver et restaurer les milieux doit donc être une priorité, notamment par une diversification des habitats (reméandrage[36], restauration de la ripisylve[37], etc.). Ces premiers résultats sur les besoins environnementaux montrent en outre combien les efforts seront indispensables pour contenir l’augmentation des prélèvements humains − ces prélèvements venant ajouter une pression supplémentaire sur des milieux aquatiques déjà mis à rude épreuve par le changement climatique.

Des tensions hydriques sur les prélèvements qui pourraient affecter les trois quarts de la France hexagonale

L’objectif étant d’anticiper les tensions futures, hors besoins environnementaux, on se place ici dans le cas le plus défavorable étudié, c’est-à-dire avec une année marquée par un printemps-été sec à l’horizon 2050.

On mobilise cette fois notre indice 2, soit le ratio entre les prélèvements et les volumes potentiellement disponibles. On considère qu’il y a une tension modérée lorsque ce ratio est compris entre 20 % et 40 % et une tension sévère lorsqu’il est supérieur à 40 %. Quand le ratio est sous le seuil des 20 %, cela signifie que nous n’identifions pas de tension à notre échelle de travail, celle de nos quarante bassins versants et au pas de temps mensuel. Pour autant, des tensions plus locales ou plus temporaires peuvent exister.

On constate que le nombre de bassins versants en tension modérée ou sévère en 2050 varie selon le scénario d’usage. Ainsi, avec le modèle ORCHIDEE, pour une année marquée par un printemps-été sec, 34 bassins versants sont identifiés comme en tension dans le scénario tendanciel, 32 dans le scénario politiques publiques et 29 dans le scénario de rupture (voir Carte 2). Les tensions sont particulièrement importantes dans la moitié sud et dans le quart nord-est de la France. Les résultats obtenus avec le modèle SMASH sont relativement proches.

Carte 2 − Nombre de mois en tension sévère ou modérée en prélèvements pour une année marquée par un printemps-été sec en 2050 pour les trois scénarios d’usage

Note : pour le modèle SMASH, tous les bassins versants n’ont pas pu être analysés (en hachuré) faute de points de simulation en nombre suffisant dans ces territoires. 

Lecture : à l’horizon 2050, dans le scénario tendanciel et avec le modèle hydrologique ORCHIDEE, le bassin versant de l’Escaut (indiqué par une flèche) est en  tension sévère au moins un mois de l’année. 

Source : HCSP, selon la méthode décrite précédemment

À l’horizon 2050, toujours dans le cas d’une année marquée par un printemps-été sec, et dans les trois scénarios d’usage, plus de la moitié des bassins versants connaissent des tensions sévères pendant plusieurs mois consécutifs (voir Graphique 2 ). Les tensions apparaissent toutefois moins fortes dans le scénario de rupture. Ainsi, avec le modèle hydrologique ORCHIDEE, dans le scénario tendanciel, 83 % des bassins versants (représentant 88 % du territoire) sont en tension modérée ou sévère au mois d’août ; et 53 % des bassins versants (représentant 57 % du territoire) seraient même en situation de tension sévère. Pour ce même mois d’août, dans le scénario politiques publiques, 75 % des bassins versants (représentant 79 % du territoire) sont en tension, mais cette part descend à 60 % dans le scénario de rupture (représentant 64 % du territoire).

Graphique 2 − Proportion mensuelle de bassins versants en tension modérée ou sévère, pour une année marquée par un printemps-été sec en 2050 et pour les trois scénarios d’usage (modèle hydrologique ORCHIDEE)

Lecture : à l’horizon 2050, dans le scénario tendanciel, pour une année marquée par  un printemps-été sec, 83 % des bassins  versants sont en tension (modérée ou  sévère) au mois d’août. 

Source : HCSP

À titre de comparaison, en 2022, année particulièrement sèche, début septembre, les mesures de restriction effectives des usages de l’eau via des arrêtés sécheresse s’appliquaient à 86 % du territoire hexagonal[38]. Or, l’indice de tensions sur les prélèvements apparaît très significativement corrélé aux arrêtés sécheresse effectivement mis en œuvre[39]. Ainsi, de fortes restrictions d’usage seraient à prévoir à l’horizon 2050 dans le cas d’une année marquée par un printemps-été sec.

L’année sélectionnée étant sèche non seulement au printemps-été mais également en novembre, les situations de tension (sévère ou modérée) sont concentrées entre les mois de juin et de septembre ainsi qu’au mois de novembre (voir Graphique 2).

À noter que les situations de tension peuvent être particulièrement longues. Par exemple, pour le scénario politiques publiques en 2050 pour une année marquée par un printemps-été sec (modèle ORCHIDEE), on observe une tension hydrique dans le bassin versant de la Moselle de mai à décembre, avec des situations de tension sévère de juillet à novembre.

Des tensions hydriques sur les consommations dans les zones d’irrigation

On mobilise à présent l’indice 3 pour calculer le ratio entre les consommations et les volumes potentiellement disponibles, hors besoins environnementaux, pour une année marquée par un printemps-été sec en 2050. On parle de tension modérée lorsque ce ratio est compris entre 10 % et 20 % et de tension sévère lorsqu’il est supérieur à 20 %. Si le ratio est sous le seuil des 10 %, cela signifie que nous n’identifions pas de tension à notre échelle de travail, celle de nos quarante bassins versants et au pas de temps mensuel. Plus localement et sur certains jours, des tensions peuvent cependant exister.

Carte 3 − Nombre de mois en tension sévère ou modérée en consommations pour une année marquée par un printemps-été sec en 2050, pour les trois scénarios d’usage et selon le modèle hydrologique (ORCHIDEE ou SMASH)

Note : pour le modèle SMASH, et avec le modèle hydrologique ORCHIDEE, tous les bassins versants n’ont pas pu être analysés (en hachuré) faute de points de  simulation en nombre suffisant dans ces territoires. 

Lecture : à l’horizon 2050, dans le scénario tendanciel, le bassin versant de l’Adour (indiqué par une flèche) est en tension sévère au moins un mois de l’année. 

Source : HCSP, selon la méthode décrite précédemment

Les tensions estimées via les consommations sont particulièrement visibles dans la moitié sud de la France avec le modèle hydrologique ORCHIDEE, ainsi que dans le bassin versant de la Loire avec le modèle SMASH. Le scénario tendanciel présente la situation la plus défavorable avec 70 % des bassins versants en tension au moins un mois de l’année, contre 65 % dans le scénario politiques publiques et 50 % dans le scénario de rupture (avec le modèle hydrologique ORCHIDEE). La période de tension se concentre entre les mois de juin et d’août.

La zone sud-ouest est particulièrement concernée par des tensions sur cet indice 3 calculé via les consommations, en raison de l’importance de l’irrigation agricole qui consomme 90 % environ de l’eau prélevée. Ainsi, dans le scénario tendanciel, pour une année marquée par un printemps-été sec, au mois de juillet, plus de 85 % du bassin hydrographique de l’Adour-Garonne pourrait être en situation de tension sévère sur les consommations.

Les relations entre les bassins versants amont et aval sont centrales, car les consommations de l’amont peuvent représenter un volume substantiel qui n’est alors plus disponible pour les bassins versants en aval. À titre d’exemple, en 2050 dans le scénario tendanciel, pour le mois de juillet dans le bassin versant Loire aval, les consommations des six bassins versants situés en amont représentent 138 millions de mètres cubes, à mettre en regard des consommations de 45 millions de mètres cubes du bassin versant Loire aval. Dans le bassin versant du Rhône aval, les volumes consommés dans les six bassins versants amont s’élèvent à 136 millions de mètres cubes, à mettre en regard des 123 millions de mètres cubes consommés dans le bassin versant du Rhône aval. Ces observations mettent en exergue la nécessité d’un dialogue et d’une solidarité entre les territoires amont et les territoires aval.

Certains bassins versants, notamment dans le sud de la France, cumulent des tensions à la fois en prélèvements et en consommations. Ces territoires pourraient être particulièrement vulnérables dans le futur et une attention particulière devra leur être portée pour contenir l’augmentation des prélèvements mais également celle des consommations.

Une aggravation de la situation hydrique sur les prélèvements dans la majorité des bassins versants

L’indice 4 calcule le ratio combinant l’évolution des volumes mensuels potentiellement disponibles et l’évolution des prélèvements mensuels entre 2020 et 2050.

Ce ratio est inférieur à 1 lorsque la situation s’aggrave par rapport à la situation de référence (2020), c’est-à-dire dans l’un des trois cas suivants :

  • lorsque la ressource diminue et la demande en prélèvements augmente. Cette situation représente la majorité des situations observées. Dans le scénario tendanciel par exemple, au cours du mois d’août, 60 % des bassins versants sont dans cette situation ;
  • lorsque la ressource augmente et la demande en prélèvements augmente plus fortement. Dans le scénario tendanciel, au cours du mois d’août, 18 % des bassins versants sont dans cette situation ;
  • lorsque la demande en prélèvements diminue, mais moins fortement que la ressource. Cette situation est très minoritaire : dans le scénario tendanciel, au cours du mois d’août, seuls 3 % des bassins versants sont dans cette situation.

Cet indice croisé d’évolution de la demande en prélèvements et de la ressource met en évidence une amélioration de la situation dans la vallée du Rhône, notamment pour les scénarios politiques publiques et de rupture. Ceci est lié à une baisse importante des prélèvements pour le refroidissement des centrales nucléaires (du fait de la fermeture des centrales arrivant en fin de vie et de la modernisation des circuits de refroidissement) − baisse supérieure à la diminution des débits entre 2020 et 2050.

Carte 4 − Nombre de mois où la situation hydrique calculée via les prélèvements s’aggrave entre 2020 et 2050, pour les trois scénarios d’usage et selon le modèle hydrologique (ORCHIDEE ou SMASH)

Note : pour le modèle SMASH, tous les bassins versants n’ont pas pu être analysés (en hachuré) faute de points de simulation en nombre suffisant dans ces territoires. 

Lecture : à l’horizon 2050, dans le scénario tendanciel et quel que soit le modèle hydrologique utilisé, la pression hydrique calculée via les prélèvements s’aggrave  pendant plus de dix mois dans le bassin versant de l’Adour (indiqué par une flèche). 

Source : HCSP, selon la méthode décrite précédemment

Le scénario de rupture — avec ses pratiques agroécologiques, sa régulation des surfaces irriguées, ses usages résidentiels réduits et ses mesures de sobriété — permettrait de limiter l’aggravation de la situation hydrique. Ainsi, en août, avec le modèle ORCHIDEE, la situation s’aggrave dans 80 % des bassins versants (représentant 83% du territoire) dans le scénario tendanciel, 73% (représentant 74 % du territoire) dans le scénario politiques publiques et 53 % (représentant 53 % du territoire) dans le scénario de rupture (voir Graphique 3).

La dégradation de la situation s’observe tout au long de l’année, que ce soit en période estivale ou hivernale. En effet, nous constatons une aggravation de la situation hydrique dans plus de la moitié des bassins versants non seulement entre les mois de mai et septembre, mais également entre les mois d’octobre et de février (voir Graphique 3).

Graphique 3 − Proportion mensuelle de bassins versants où la situation hydrique calculée via les prélèvements se dégrade entre 2020 et 2050 pour les trois scénarios d’usage (modèle hydrologique ORCHIDEE)

Lecture : à l’horizon 2050, dans le scénario tendanciel, la situation hydrique calculée via les prélèvements pourrait s’aggraver dans 83 % des bassins versants de France hexagonale et de Corse, en juillet.

Source : HCSP, selon la méthode décrite précédemment

Ces résultats soulignent le fait que la situation hydrique devrait probablement se dégrader entre les horizons temporels 2020 et 2050 dans la grande majorité du territoire de France hexagonale et de Corse sous l’effet combiné d’une diminution de la ressource en eau et d’une augmentation de la demande en prélèvements. Seul le scénario de rupture permet de limiter cette aggravation, avec des périodes de tension moins longues et près de 25 % du territoire où la situation s’améliore.

Une aggravation de la situation hydrique sur les consommations plus contenue dans le scénario de rupture

Pour compléter notre évaluation de la pression hydrique, nous avons calculé le ratio combinant l’évolution des volumes mensuels potentiellement disponibles et l’évolution des consommations mensuelles entre 2020 et 2050 (c’est notre indice 5).

À la différence de l’indice croisé calculé sur les prélèvements, on constate que la situation se dégrade en matière de consommations pendant plus de dix mois de l’année entre 2020 et 2050 dans la vallée du Rhône, notamment dans le scénario politiques publiques (voir Carte 5). Ceci est lié au fait que l’implantation d’une paire de réacteurs nucléaires sur le site du Bugey et la modernisation des circuits de refroidissement des centrales nucléaires les plus anciennes situées dans la vallée du Rhône s’accompagnent d’une augmentation des consommations (mais pas des prélèvements). Plus généralement, l’indice croisé calculé sur les consommations est plus défavorable que l’indice croisé sur les prélèvements. Ce résultat met en évidence le fait qu’on ne peut se reposer sur le seul indice croisé en prélèvements pour identifier les tensions futures.

Carte 5 − Nombre de mois au cours desquels la situation hydrique calculée via les consommations s’aggrave entre 2020 et 2050, pour les trois scénarios d’usage et selon le modèle hydrologique (ORCHIDEE ou SMASH)

Note : pour le modèle SMASH, tous les bassins versants n’ont pas pu être analysés (en hachuré) faute de points de simulation en nombre suffisant dans ces territoires. 

Lecture : à l’horizon 2050, dans le scénario tendanciel et quel que soit le modèle hydrologique utilisé, la pression hydrique calculée via les consommations s’aggrave  pendant plus de dix mois dans le bassin versant de l’Adour (indiqué par une flèche). 

Source : HCSP, selon la méthode décrite précédemment

Seul le scénario de rupture permet de contenir l’aggravation de la situation hydrique en consommations à des durées inférieures à six mois dans la majorité des bassins versants (voir Carte 5). La dégradation est particulièrement élevée en été en raison de la forte consommation d’eau pour l’irrigation agricole[40] (voir Graphique 4). En août, cette dégradation touche 90 % des bassins versants (représentant 95 % du territoire) dans le scénario tendanciel, 88 % des bassins versants (représentant 93 % du territoire) dans le scénario politiques publiques et 53 % (représentant 54 % du territoire) dans le scénario de rupture. La croissance de la consommation pour l’irrigation est nettement plus contenue dans le scénario de rupture (+42 % entre 2020 et 2050 à l’échelle nationale) que dans le scénario tendanciel (+161 %), sous l’effet combiné d’une régulation du développement de l’irrigation et de la croissance des pratiques agroécologiques qui permettent de mieux stocker l’eau dans le sol et ainsi de réduire la demande en eau d’irrigation.

Graphique 4 − Proportion mensuelle de bassins versants où la situation hydrique calculée via les consommations se dégrade entre 2020 et 2050 pour les trois scénarios d’usage (modèle ORCHIDEE)

Lecture : à l’horizon 2050, dans le scénario tendanciel, la situation hydrique calculée via les consommations s’aggraverait  dans près de 90 % des bassins versants  de France hexagonale et de Corse, en  juillet. 

Source : HCSP, selon la méthode décrite précédemment

Conclusion

Les différents indices mobilisés dans ce travail ont permis de mettre en évidence plusieurs éléments.

Premièrement, du fait du changement climatique, les écosystèmes pourraient subir à l’horizon 2050 des situations de stress chronique plusieurs années consécutives sur tout le territoire hexagonal et plus particulièrement dans le sud-ouest et le sud-est de la France. Comme la capacité de ces écosystèmes à faire face à un stress dépend étroitement de leur diversité et de leur richesse, il s'avère essentiel de conduire dès à présent des actions de protection et de restauration ambitieuses. En outre, les prélèvements pour les usages humains accroîtront cette pression sur les milieux.

Deuxièmement, à l’horizon 2050 pour une année marquée par un printemps-été sec, sans inflexion des tendances actuelles (scénario tendanciel), selon l’indice de tension hydrique en prélèvements, 88 % du territoire hexagonal serait en situation de tension modérée ou sévère en été. Dans le scénario de rupture, qui se caractérise par une société sobre en matière d’eau dans tous les secteurs d’activité, la proportion du territoire hexagonal en situation de tension hydrique descendrait à 64 %. À titre de comparaison, en 2022, année particulièrement sèche, les mesures de restriction effectives des usages de l’eau via des arrêtés sécheresse s’appliquaient début septembre à 86 % du territoire hexagonal.

Troisièmement, la tension hydrique en consommations pourrait être particulièrement importante dans le sud-ouest et le sud-est de la France, en raison de la part importante de l’eau consommée, c’est-à-dire de l’eau évapotranspirée, du fait notamment de l’irrigation agricole (cultures). Ainsi, dans le scénario tendanciel, pour une année marquée par un printemps-été sec, au mois de juillet plus de 85 % du bassin hydrographique de l’Adour-Garonne pourrait être en situation de tension sévère sur les consommations. Ce territoire apparaît particulièrement vulnérable car il cumule des situations de tensions hydriques en prélèvements comme en consommations.

Quatrièmement, la situation hydrique calculée via les prélèvements devrait probablement se dégrader non seulement en été, mais également en hiver, entre les horizons temporels 2020 et 2050 dans la grande majorité du territoire de France hexagonale et Corse, et ce pendant plus de six mois de l’année, sous l’effet combiné d’une diminution de la ressource en eau et d’une augmentation de la demande en prélèvements. Seul le scénario de rupture permet de limiter cette aggravation, avec des périodes de tension moins longues et plus de 25 % du territoire où la situation s’améliore.

Cinquièmement, la situation hydrique calculée via les consommations permet d’identifier des situations de dégradation non mises en évidence si l’on ne considère que les prélèvements. Ainsi, une aggravation de la situation hydrique en matière de consommations, notamment pour la production d’énergie (implantation de nouveaux réacteurs nucléaires et modernisation des circuits de refroidissement simulées dans le scénario politiques publiques) peut être observée. La dégradation de la situation hydrique est particulièrement élevée en été sur tout le territoire, notamment du fait de la croissance de la demande en eau d’irrigation. Seul le scénario de rupture, caractérisé par une croissance des surfaces équipées en irrigation contenue et par le développement soutenu de l’agroécologie, permet de limiter cette détérioration, avec un peu plus de la moitié du territoire en situation dégradée contre la quasi-totalité du territoire dans le scénario tendanciel.

Ces constats appellent à la planification dès aujourd’hui d’une transformation radicale des usages afin de limiter les pressions sur les écosystèmes ainsi que les conflits entre les différents usagers de l’eau. La régulation de l’irrigation par les pouvoirs publics, le soutien à des pratiques agroécologiques plus sobres en eau ou à des actions de sobriété énergétique sont autant de solutions qui devront être mobilisées. Les tensions pourraient de surcroît être aggravées par la dégradation de la qualité de l’eau[41], qui de fait réduirait la quantité d’eau disponible pour les différents usages humains, notamment pour la production d’eau potable.

Des études locales doivent être conduites afin d’identifier plus finement, en intégrant les nappes, la ressource potentiellement disponible dans le futur, ainsi que les différentes demandes. Cette connaissance est aujourd’hui indispensable si l’on souhaite organiser un partage de l’eau le plus juste possible, associant étroitement toutes les parties prenantes. C’est bien l’objectif des schémas d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE) et des projets de territoire pour la gestion de l’eau (PTGE).

[1] Voir Arambourou H., Ferrière S. et Oliu-Barton M. (2024), « Prélèvements et consommations d’eau : quels enjeux et usages ? », France Stratégie, La Note d’analyse, n° 136, avril. 

[2] Voir Arambourou H. et Ferrière S. (2025), La demande en eau. Prospective territorialisée à l’horizon 2050, France Stratégie, rapport, janvier ; Arambourou H. et Ferrière S. (2025), « Quelle évolution de la demande en eau d’ici 2050 ? », France Stratégie, La Note d’analyse, n° 148, janvier. 

[3] L’évapotranspiration est le processus par lequel l’eau liquide est envoyée dans l’atmosphère sous forme gazeuse, par évaporation ou par transpiration des plantes. 

[3] Sauquet É., Strohmenger L., Thirel G. et Le Lay M. (2025), Quelles évolutions des régimes hydrologiques en France hexagonale ?, rapport technique Explore2, janvier. 

[5] Outre cette note, voir le document associé Arambourou H., Ferrière S. et Gaillot A. (2025), « Confrontation entre la ressource en eau et la demande à l’horizon 2050 », HCSP, Document de travail, n° 2025-03, juin. 

[6] Il s’agit d’une demande théorique puisqu’elle n’intègre ni les contraintes physiques, ni les contraintes réglementaires. 

[7] Toutefois, dans certains bassins versants, ces prélèvements peuvent être inférieurs à 50 %. 

[8] Arambourou H. et Ferrière S. (2025), La demande en eau. Prospective territorialisée à l’horizon 2050, op. cit. 

[9] Les données des départements et régions d’outre-mer (DROM) étant lacunaires et les dynamiques à l’œuvre différentes de celles observées en France hexagonale et Corse, les DROM n’ont pas été traités dans ce travail. 

[10] Les scénarios RCP sont quatre scénarios de forçage radiatif établis par le Giec dans le cadre de son cinquième rapport d’évaluation. Ils sont nommés d’après le forçage radiatif obtenu en 2100. Ainsi, le scénario RCP 8.5 correspond à un forçage de +8,5 W/m², le forçage (et donc le réchauffement) le plus élevé des quatre scénarios (trajectoire croissante tendancielle des émissions des gaz à effet de serre).

[11] Marson P., Corre L., Soubeyroux J.-M., Sauquet É., Robin Y., Vrac M. et Dubois C. (2024), Explore2 – Rapport de synthèse sur les projections climatiques régionalisées, Météo France, INRAE, Institut Pierre-Simon Laplace. 

[12] Une deuxième projection nommée « jaune » – non mobilisée ici – se caractérise par des changements futurs relativement peu marqués à l’horizon 2100. Pour l’intégralité des résultats, on se reportera au document de travail associé : Arambourou H., Ferrière S. et Gaillot A. (2025), « Confrontation entre la ressource en eau et la demande à l’horizon 2050 », op. cit. 

[13] La Déclaration de Brisbane (2017) définit les besoins environnementaux comme « la quantité et la périodicité des débits et des niveaux d’eau douce nécessaires pour préserver les écosystèmes aquatiques qui, à leur tour, soutiennent les cultures humaines, les économies, les moyens de subsistance durables et le bien-être ». 

[14] Pastor A. V., Ludwig F., Bienmans H., Hoff H. et Kabat P. (2014), « Accounting for environmental flow requirements in global water assessments », Hydrology and Earth System Science, vol. 18, p. 5041-5059. 

[15] Messager M. L., Dickens C. W. S., Eriyagama N. et Tharme R. E. (2024) « Limited comparability of global and local estimates of environmental flow requirements to sustain river ecosystems », Environmental Research Letters, vol. 19(2). 

[16] Les besoins environnementaux sont calculés à l’horizon 2020 ; il s’agit de notre horizon de référence. Ces besoins environnementaux sont déjà affectés par le changement climatique. Ainsi, il est observé une modification des débits entre la période de référence du projet Explore2 (1976-2005) et l’horizon 2020. 

[17] Voir le portail DRIAS eau.

[18] Les ouvrages de transfert d’un bassin vers l’autre et les ouvrages de régulation (barrages) en 2050 sont considérés identiques à ceux en place en 2020. Leur gestion est toutefois différente pour s’adapter aux effets du changement climatique, notamment aux variations des régimes hydrologiques. 

[19] Cet indice est notamment décrit dans Wada Y., van Beek L. P. H., Viviroli D., Dürr H. H., Weingartner R. et Bierkens M. F. P. (2011), « Global monthly water stress: Water demand and severity of water stress », Water Resources Research, vol. 47(7), juillet. 

[20] Liu J., Yang H., Gosling S. N., Kummu M., Flörke M., Pfister S., Hanasaki N., Wada Y., Zhang X., Zheng C., Alcamo J. et Oki T. (2017), « Water scarcity assessments in the past, present, and future », Earth’s Future, vol. 5(6), mars, p. 545-559.

[21] Cet indice est notamment décrit dans Hoekstra A. Y., Mekonnen M. M., Chapagain A. K., Mathews R. E. et Richter B. D. (2012), « Global monthly water scarcity: Blue water footprints versus blue water availability », PLoS One, vol. 7(2), février. 

[22] Zamani Sabzi H., Moreno H. A., Fovarguea R., Xuec X., Hong Y. et Neeson T. M. (2019), « Comparison of projected water availability and demand reveals future hotspots of water stress in the Red River basin, USA », Journal of Hydrology: Regional Studies, vol. 26, décembre. 

[23] Pour une description des modèles, se reporter à Sauquet É., Strohmenger L., Thirel G. et Le Lay M. (2025), Quelles évolutions des régimes hydrologiques en France hexagonale, op. cit. 

[24] Huang P., Ducharne A., Rinchiuso L., Polcher J., Baratgin L., Bastrikov V. et Sauquet É. (2024), « Multi-objective calibration and evaluation of the ORCHIDEE land surface model over France at high resolution », Hydrology and Earth System Sciences, vol. 28(19), p. 4455-4476. 

[25] Sauquet É., Héraut L., Bonneau J., Reverdy A., Strohmenger L. et Vidal J.-P. (2023), Diagnostic des modèles hydrologiques. Des données aux résultats, rapport technique Explore2. 

[26] Ibid.

[27] Ibid. 

[28] Les données proviennent du portail DRIAS eau

[29] Pour rappel, dans le scénario « tendanciel », l’agriculture reste tournée vers la productivité et l’export. L’équipement des surfaces agricoles en matériel d’irrigation se poursuit. Les pratiques agroécologiques ne se développent pas. Le mix énergétique reste dominé par le nucléaire et les énergies fossiles, avec une montée timide des renouvelables. La baisse de l’activité industrielle se poursuit. Les usages résidentiels restent stables. 

[30] Pour rappel, dans le scénario « politiques publiques », les régimes alimentaires se végétalisent et les pratiques agroécologiques se développent sur la moitié des surfaces agricoles. L’équipement des surfaces agricoles en matériel d’irrigation se poursuit. De nombreuses retenues agricoles de substitution sont construites. Le système énergétique est profondément transformé, pour répondre notamment à une électrification des usages, avec la construction de nouveaux réacteurs nucléaires, l’arrêt des centrales fossiles et le déploiement massif des énergies renouvelables. La politique publique volontariste de réindustrialisation se traduit par une croissance de l’industrie manufacturière. 

[31] Pour rappel, dans le scénario « de rupture » : les régimes alimentaires sont profondément modifiés avec notamment une forte réduction de la consommation de viande par rapport à la consommation actuelle. Les pratiques agroécologiques se développent sur la totalité des surfaces agricoles. Le développement des surfaces équipées en irrigation est contenu via des politiques publiques de régulation. La production industrielle diminue. Les usages résidentiels sont divisés par plus de deux via des actions de sobriété et d’efficacité. 

[32] Arambourou H. et Ferrière S. (2025), La demande en eau. Prospective territorialisée à l’horizon 2050, op. cit. 

[33] Sur le sujet de la contribution des eaux souterraines aux débits des eaux de surface, voir Piren-Seine (2024), « Hydrologie du bassin de la Seine en quelques chiffres clefs ».

[34] Déficit par rapport à la médiane sur la période 2041-2060.

[35] Oliver T.H., Heard M.S., Isaac N.J.B., Roy D.B., Procter D., Eigenbrod F., Freckleton R., Hector A., Orme C.D.L., Petchey O.L., Proença V., Raffaelli D., Suttle K. B., Mace G. M., Martín-López B., Woodcock B.A. et Bullock J. M. (2015), « Biodiversity and resilience of ecosystem functions », Trends in Ecology & Evolution, vol. 30(11), novembre, p. 673-684. 

[36] Le reméandrage consiste à redonner à un cours d’eau son tracé sinueux pour réduire sa pente et ainsi restaurer ses fonctions hydrologiques. 

[37] La ripisylve est une forêt qui longe un cours d’eau. 

[38] Voir les données sécheresse sur le site VigieEau.gouv.fr

[39] Calcul réalisé sur l’année 2020, voir aussi le document de travail associé : Arambourou H., Ferrière S. et Gaillot A. (2025), « Confrontation entre la ressource en eau et la demande à l’horizon 2050 », op. cit.

[40] L’eau prélevée pour l’irrigation est majoritairement consommée, car évapotranspirée, et n’est donc pas directement restituée au milieu après usage.

[41] Par exemple, une diminution des débits en période d’étiage s’accompagnerait, toutes choses égales par ailleurs, d’un effet de dilution moindre et donc d’une augmentation des concentrations en micropolluants.

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Reference

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Arambourou, H., Ferrière, S., & Gaillot, A. (2025). L'eau en 2050 : graves tensions sur les écosystèmes et les usages (La note d'analyse, N°156, 16 p.). Haut-commissariat à la Stratégie et au Plan.
MLA
Arambourou, Hélène, Ferrière, Simon, and Gaillot, Arthur. L'eau en 2050 : graves tensions sur les écosystèmes et les usages. La note d'analyse N°156, Haut-commissariat à la Stratégie et au Plan, June 2025, 16 pages.
ISO 690
ARAMBOUROU, Hélène, FERRIÈRE, Simon et GAILLOT, Arthur. L'eau en 2050 : graves tensions sur les écosystèmes et les usages. La note d'analyse, N°156. Paris : Haut-commissariat à la Stratégie et au Plan, juin 2025. 16 p.

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